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analyses. — chauffard. Études et problèmes de biologie.

principal de M. Chauffard est d’établir solidement celle distinction contre tous ceux qui aujourd’hui la nient et s’efforcent de la faire disparaître de la science. Où trouver, dans tout le monde physique, l’unité, la spontanéité, la finalité, qui sont, comme, à notre avis, il le démontre par une foule de faits et d’arguments, les caractères propres, les caractères éclatants du principe de la vie ? Nous n’avons pas la prétention de le suivre dans cette remarquable discussion, ni de reprendre et de traiter le problème pour notre compte, comme M. Vacherot vient de le aire avec tant de force au profit de la solution vitaliste, dans la Revue des Deux-Mondes. Nous nous bornerons à faire connaître et à apprécier dans ses plus remarquables parties l’ouvrage de M. Chauffard.

Parmi les arguments qu’il donne en faveur de l’unité du principe de la vie, en réponse aux objections tirées de la divisibilité du principe vital dans les animaux inférieurs, objections qui déjà troublaient saint Augustin, je trouve une ingénieuse assimilation de ces faits de divisibilité apparente à des faits de génération par scissiparité ou gemmiparité. « La vie, dit-il, l’unité vivante, n’est point divisée dans une telle opération ; elle reste entière en chacun de ses segments et transforme aussitôt ce segment en organisme complet. » Nous ne savons jusqu’à quel point les naturalistes et les physiologistes s’accommoderont de cette explication[1]. Quant à la physiologie cellulaire nous avons déjà vu comment, grâce à la cellule primitive, elle se conciliait avec l’unité. De même que l’unité, la spontanéité est la marque souveraine de la vie. L’être vivant se distingue de tous les êtres du monde inorganique, non pas seulement à cause de son unité et de sa forme, mais parce qu’il est créé et créateur, sans cependant qu’il soit en dehors des lois générales du mouvement et qu’il n’ait rien à démêler avec les lois de la causalité physique. Mais là précisément est la grande difficulté. Comment concilier l’existence d’un être qui produit de lui-même des actions avec le grand principe de la conservation de la même quantité de mouvement dans l’univers ? Que devient la spontanéité de ce prétendu pouvoir créateur au sein de celle loi universelle et quelle place lui reste-t-il ? On voit que M. Chauffard, qui se pose à lui-même cette objection, ne recule pas devant les grands problèmes. Il s’efforce de concilier ces deux termes, en apparence contradictoires, en faisant la part, dans les êtres organisés, de la spontanéité vivante et du mouvement mécanique. Tout être vivant est constitué par deux sortes de causes intimement unies, la cause vivante et les causes ou la causalité physique, de telle sorte cependant que c’est la causalité vivante qui domine la causalité physique, qui la subordonne, qui l’accommode à sa forme et à sa fin, sans toutefois aller à l’encontre de ses lois. Au sein de l’organisme même la physique et la chimie demeurent ce qu’elles sont dans la matière inorganique. Mais M. Chauffard distingue profondément, en s’ap-

  1. Voir les objections de M. Dastre dans son savant article du numéro du 1er octobre, Revue philosophique, tome vi.