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penjon. — métaphysique phénoméniste en angleterre

infini de Dieu, et, comme corollaire, dans l’amour des hommes.

Nous avons ainsi quelque ouverture sur le monde invisible, et ce fait, à son tour, réagit sur la conduite de la vie. S’il y a vraiment cette continuité, dont nous avons parlé, entre les deux mondes, nous devons croire à des sanctions dans le sens juridique du mot et ne nous engager que prudemment : nous faisons partie d’un ordre immense avec lequel il faut nous mettre en harmonie. « La vie n’est pas un jeu, et ce n’est pas chose facile que de bien vivre. » Par sanctions, nous entendons les conséquences que peut avoir dans le monde invisible une action accomplie dans le nôtre. La conscience morale juge cette action, et ce jugement est déjà ce qu’il doit être ; mais il acquiert une importance bien plus grande et comme une sorte de solennité, si nous songeons à l’éternité pour laquelle il est prononcé. Sans même supposer l’immortalité individuelle, la pensée du monde invisible doit nous garder de mal faire. Rien ne s’oppose en effet à l’hypothèse d’intelligences supérieures, qui sont les témoins, sans être vues, de tout ce qui arrive dans l’un et l’autre monde. C’est assez pour donner aux jugements de notre conscience plus de délicatesse et de force. Il n’y a plus d’actions secrètes, et, au heu de la célèbre formule kantienne : « Agis de telle sorte que la règle de ta conduite puisse être la règle de tout être raisonnable, » M. Hodgson propose celle-ci : « Agis de telle sorte que ton action, pour toutes ses parties et tous ses motifs, puisse être approuvée par des êtres d’une intelligence parfaite. » Cette maxime, sans doute, ne nous fera pas distinguer le bien du mal ; mais elle donnera à cette distinction naturelle une plus grande valeur et nous y rendra plus attentifs. C’est une idée analogue à celle qui s’exprime par les mots chrétiens de la perpétuelle présence de Dieu.

Mais le monde invisible, comme le monde visible, est phénoménal. Ces intelligences supérieures, ou ce Dieu, qui l’habitent, sont non pas des entités, mais une volonté, mieux encore une action coéternelle avec l’ensemble des choses, dont nous trouvons, à un degré inférieur, comme le type dans l’humanité. Cette action est, en un sens, créatrice, si l’on entend par là qu’elle ordonne et relie toutes les parties du tout. Elle est à la fois nécessaire et libre ; elle est juste aussi, comme peut l’être une action humaine.

Ce ne sont là, il est vrai, que des hypothèses, et un philosophe moniste trouvera que ce n’est pas une solution et préférera sa doctrine. Mais cette doctrine est fausse, d’après M. Hodgson, parce qu’elle réduit le monde à de trop étroites proportions, en le faisant dépendre tout entier du moi. Il n’y a pas de solution, parce que l’existence est pour nous l’objet d’une perception réfléchie, non d’une