Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée
177
penjon. — métaphysique phénoméniste en angleterre

Nous connaissons déjà les éléments derniers et universels de tous les phénomènes : l’élément matériel est la sensation (feeling) ; les éléments formels sont le temps et l’espace. Celui-ci ne se rencontre d’abord qu’avec les deux genres de sensation désignés par les mots vue et toucher, auxquels s’ajoute la sensation de l’effort musculaire ou nerveux. Sous cette réserve, il n’y a pas d’expérience qui ne prouve la vérité de cette analyse : ce sont bien là les éléments derniers des phénomènes, qu’il s’agisse de phénomènes objectifs ou subjectifs. Si nous nous demandons ce que signifient (τί σημαίνει) les mots dont nous nous servons pour les désigner, nous découvrons toujours en dernière analyse ces trois éléments, ou tout au moins les deux premiers. Ce sont des éléments métaphysiques, en ce sens que, étant subjectifs, ils sont aussi inséparables, bien que l’on puisse les distinguer ; ils ne sont pas concrets ou empiriques séparément, mais seulement en conjonction les uns avec les autres ; ils sont donnés par une analyse plus profonde d’éléments ultimes eux-mêmes en tant que concrets ou empiriques. C’est ainsi qu’à côté de ses dix catégories Aristote avait placé la matière et la forme, auxquelles nos trois éléments correspondent, avec cette particularité que notre matière (ὕλη) n’est plus un quelque chose d’indéfini, de purement potentiel et d’inconnaissable par soi-même ; nous la désignons par un mot fort clair au contraire : la sensation. Mais, en énumérant ainsi les éléments des phénomènes, nous les distinguons soigneusement des conditions et ne nous inquiétons de savoir ni comment il se fait que ces phénomènes sont ce qu’ils sont, ni comment il se fait qu’ils se présentent à l’esprit dans tel ou tel ordre.

Le mot aspect en philosophie n’a pas le sens qu’on lui donne ordinairement. Il n’est pas synonyme du mot côté. Il désigne un caractère particulier d’une chose et coextensif avec elle ; il se traduirait, dans le langage d’Aristote, par le mot ἀντιϰατηγορούμενον. Par exemple, une définition et le défini sont les deux aspects l’un de l’autre. Le postulat d’identité, A est A, et celui de contradiction, aucun A n’est A, sont aussi les deux aspects l’un de l’autre ; le troisième, toute chose est A ou non-A, sert précisément à expliquer, à ce point de vue, les deux autres et à faire voir qu’ils expriment la même chose en termes différents. Mais le couple dernier des aspects, en philosophie, les aspects universels et nécessaires, sont désignés, comme nous le savons, par les mots sujet et objet. « Dans la haute région où s’élève cette distinction est comme la ligne de partage des systèmes de philosophie. Sur l’un des versants, où conduit cette distinction faite comme elle doit l’être, coulent les systèmes qui peuvent être vrais ; sur l’autre, où l’on tombe en la faisant mal, coulent ceux qui doivent