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que, et, en ce sens, elle est fictive. Mais qu’il s’agisse de la mémoire ou de l’imagination, ainsi entendues, l’ordre des concepts est volontairement changé en celui des percepts.

Cette dépendance de la rédintégration volontaire des percepts vis-à-vis de l’ordre des concepts est attestée par le fait que tous les noms sont des termes généraux, même les noms propres à l’origine. Cette formation du langage présuppose un long travail d’analyse et de classification, et le raisonnement proprement dit consiste dans ce travail, par opposition à la mémoire et à l’imagination involontaire.

Si nous considérons ce raisonnement en tant qu’il consiste en l’un des deux procédés dont nous avons parlé plus haut, à savoir la rédintégration des semblables, nous avons à faire une importante distinction, celle de l’intension et de l’extension. Analyser un objet de la conscience directe, c’est le résoudre en un certain nombre de modes spéciaux de concepts généraux, concepts formés dans la conscience primitive. Tout objet peut être ainsi analysé : par exemple, une pêche est un mode spécial de l’étendue solide, un mode spécial de la couleur, de la dureté, de la senteur, etc. La combinaison et l’interpénétration de ces modes spéciaux sont l’objet existant, la pêche. Mais cette combinaison est de l’ordre des percepts, non de celui des concepts ; elle constitue l’intension de la pêche, car ce n’est pas une combinaison de concepts généraux, mais bien de modes spéciaux de ces concepts, et spéciaux au point d’être tout à fait individuels. Ces modes individuels sont donnés immédiatement par les sens dans une perception présentative ; la combinaison de ces modes nous est montrée dans l’expérience, elle ne nous est pas expliquée dans la pensée. Si nous voulons l’analyser dans l’ordre des concepts, nous ne considérons plus les modes individuels, mais les modes généraux avec leurs distinctions et sous-distinctions, en nous rapprochant ainsi le plus possible des modes individuels, mais sans arriver jusqu’à eux. Nous avons alors l’extension de l’objet analysé, c’est-à-dire non plus une combinaison de modes individuels immédiatement perçue et sentie, mais comme le résultat de l’intersection des modes généraux, couleur, dureté, etc., dont les modes spéciaux se combinent dans la pêche. « L’extension est coextensive à l’intension. Elle donne dans l’ordre des concepts précisément ce que l’intension donne dans celui des percepts, mais elle ne le donne pas aussi bien ; il lui manque la vivacité de la sensation et aussi cette individualisation précise que nous ne pouvons atteindre faute d’un assez grand nombre de semblables, » de subdivisions des modes généraux.