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penjon. — métaphysique phénoméniste en angleterre

mes, les faits dont le monde se compose. Quels sont d’abord les phénomènes de la conscience primitive, les minima de toute conscience ? Une succession de sensations (feelings) différentes, voilà le minimum à analyser. Nous y remarquons d’abord la différence des sensations. Nous n’aurions pas conscience d’une seule sensation ; il en faut au moins deux, qu’elles soient simultanées ou qu’elles se suivent, et, dans les deux cas, une certaine durée, autant que nous pouvons exprimer ces premiers états de conscience par des mots formés pour un tout autre usage, une certaine durée fait partie de ce minimum. Nous remarquons ensuite qu’une mémoire rudimentaire est nécessaire à ces premiers commencements de perception, en est contemporaine, par le fait même que le minimum de conscience est une différence ou un changement de sensations, suppose la distinction d’un premier et d’un second, d’un passé et d’un futur. Le temps n’est autre chose que ce passé et ce futur, dont le présent, sans réalité lui-même, est la limite. Outre le temps, l’espace est un élément de certaines perceptions, celles du toucher et de la vue. Ces deux éléments formels, le temps et l’espace, l’un d’eux au moins, le temps, se rencontrant toujours combinés avec les sensations, c’est une fiction de supposer un état de pure sensation antérieur à la perception, et ce dernier mot désigne exactement le minimum de la conscience. Nous ne devons pas oublier toutefois qu’il s’agit ici de la conscience primitive, et que le mot perception n’implique pas encore que nous rapportions nos sensations à une cause différente de nous-mêmes. Pour la conscience primitive, il n’y a que des états de conscience. La distinction de ces états, du sujet et des objets, n’est pas faite.

Dans la succession de ces différents états, il en est qui sont des présentations, d’autres qui sont des représentations. C’est une distinction analogue à celle que donne David Hume en parlant des impressions et des idées. Les premières se distinguent des secondes par leur vivacité. C’est le seul caractère auquel on puisse vraiment les reconnaître, car les représentations, comme les présentations, peuvent être actuellement (dans le sens empirique du mot) présentes à l’esprit. Parmi les présentations, les unes se reproduiront à volonté et serviront ainsi à la vérification des souvenirs ; les autres, comme celles des songes, ne se prêtent pas à cette épreuve ; aussi nous est-il impossible de les contrôler. Nous sommes ainsi en mesure de distinguer le réel de l’imaginaire.

En résumé, l’analyse des minima de conscience nous donne, comme les derniers éléments auxquels la métaphysique puisse atteindre, et comme éléments inséparables, des sensations (élément matériel) et