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selon lui, c’est un mal incurable : quand il éclate, il n’y a plus rien à faire ; on ne peut que s’efforcer de le prévenir. C’est la seule voie qui soit ouverte à la société pour arriver à l’extinction progressive, disons mieux, à la diminution lente des attentats contre les personnes et contre les biens. Il n’est pas une des causes du crime, prochaine ou lointaine, qu’il n’ait étudiée de près pour trouver les moyens de la combattre. Après les causes natives, congénitales, qu’il est si difficile d’atteindre, ce sont, parmi les causes adventives, le vagabondage, l’abandon, le contact dans les maisons de correction, qui lui paraissent les plus importantes. C’est là que des tendances funestes, qui peut-être seraient restées latentes dans des conditions favorables, se développent chez le plus grand nombre des jeunes détenus, toutes prêtes à éclater à la première occasion, le plus souvent avant l’âge viril. Son étude des maisons de correction, vrais séminaires de forçats, dénote une compétence exceptionnelle. Nous en dirons autant des belles pages qu’il a consacrées au régime pénitentiaire en général. C’est bien là le langage d’un savant qui aime les hommes, qui a de la pitié pour toutes les misères, mais qui ne se paye point de déclamations ni de phrases creuses. Dans les cas douteux où l’irresponsabilité n’est pas évidente, il demande qu’on envoie le fou capable par exception de coalition et de crimes prémédités dans des hôpitaux de force, mais il fait remarquer que tous les condamnés redoutent ces hôpitaux bien plus que les prisons, et que ce traitement ne leur assurerait par conséquent point l’impunité. Quant à la peine de mort, il la repousse faiblement et sans enthousiasme. Son attitude calme vis-à-vis de cette question, sur laquelle les spiritualistes libéraux s’enflamment, montre bien la nouveauté de son point de vue. Il faut écarter la peine de mort, dit-il, parce qu’il n’est pas sûr qu’elle ne multiplie pas les homicides (penchant à l’imitation) ; mais, restreinte comme elle est à un petit nombre de crimes, et rarement appliquée, elle ne mérite pas qu’on dépense à son sujet une ardeur et un temps que des problèmes bien plus importants réclament tout entiers[1].

En somme, c’est sur l’éducation, particulièrement sur l’éducation des orphelins et des abandonnés, ou entreprise par l’État ou mieux confiée par l’État à d’honnêtes familles d’agriculteurs, que M. Lom-

  1. M. Poletti, recteur (proveditore) à Udine, a joint au livre de M. Lombroso un mémoire sur cette question du droit de punir et du meilleur mode de punition. De la Tutelle pénale, tel est le titre du mémoire. M. Poletti a donné, outre des ouvrages sur le droit, une Logique positive. Saisissons cette occasion pour ajouter à la liste des auteurs qui ont abordé ce môme ordre de problèmes avec la même méthode positive, M. Gabelli, auteur d’un livre intitulé « L’homme et les sciences morales », Florence 1871.