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graphie et une orthographe qui leur sont propres ; et on sait s’il est facile de les faire écrire ! Leur intelligence est souvent supérieure à leur degré de culture, en même temps que troublée par des hallucinations ou des idées fixes. Leurs affections ne s’altèrent pas dans le même ordre que celles des criminels ; ce sont leurs proches qu’ils commencent par haïr, et, s’ils frappent des inconnus, c’est sans motifs ou pour des motifs ridicules. Enfin leurs caractères sociologiques sont absolument distincts de ceux des malfaiteurs. On demandait aux assises à un prisonnier révolté comment, étant en cellule, il avait pu s’entendre avec ses complices. « Pour que nous ne pussions nous entendre, répondit-il, il faudrait nous mettre l’un en France, l’autre en enfer. » En effet, il reste au criminel assez de coordination dans les idées et dans les sentiments pour qu’il puisse former société avec ses semblables, ce à quoi sa situation d’ennemi public le contraint impérieusement. Le fou est radicalement incapable d’organisation sociale. Aussi point d’argot. Point de complices. Jamais un seul tatouage. — L’âge fournit aussi des indices, le criminel étant déjà formé et affilié à l’âge où la folie ne parait point encore.

Si le criminel n’est point un fou, qu’est-il un malade ? Pas davantage, au sens vulgaire du mot ; il ne l’est pas plus que le boiteux ou le bossu qui se portent bien. De quelle sorte est donc cette dégénérescence ? Qu’on examine attentivement l’énumération de ses caractères : « rareté du poil, diminution de la force et du poids, réduction de la capacité crânienne, front fuyant, sinus frontaux très-développés, fréquence plus grande des sutures médio-frontales, des os wormiens, synostoses précoces, spécialement frontales, saillie de la ligne arquée du temporal, simplicité des sutures, épaisseur plus grande des os crâniens, développement énorme des mâchoires et des zygomes, prognathisme, obliquité du regard, peau foncée, cheveux hérissés, oreilles écartées et volumineuses, analogie plus grande des deux sexes, moindre aptitude chez la femme à se corriger, sensibilité à la douleur obtuse, complète insensibilité morale, paresse, défaut de remords, imprévoyance qui ressemble quelquefois au courage, et courage qui alterne avec la lâcheté, extrême vanité, amour du jeu, des alcooliques et de leurs succédanés, passions aussi fugaces que violentes, superstition facile, susceptibilité exagérée, religiosité qui n’influe en rien sur la morale, » et l’on verra que c’est du sauvage que le criminel se rapproche surtout ; il y a chez lui rétrogradation du type humain civilisé vers le type humain primitif, peut-être vers le type animal. Car l’alliance si fréquente des passions érotiques avec la plus sanguinaire férocité ne s’explique guère que par les ressouvenirs (ressuscites soudain sous l’empire de