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espinas. — philosophie expérimentale ex italie

endroits des grandes villes, grâce à une langue spéciale, l’argot, qui leur sert de signe de ralliement. Ils forment une association permanente en insurrection contre la société régulière. Parfois cette association prend des formes mieux définies, comme la Camorra de Naples et la Maffia de Palerme, comme ces bandes de jeunes brigands qui naissent à chaque instant du vagabondage et de l’oisiveté des grandes agglomérations. Quelque signe voyant, quelque tatouage indélébile répond dans ce cas au besoin de symboliser le lien social. Il y a des lois dans ces sociétés, qui sont leurs conditions mêmes d’existence : le secret, la défense commune, le partage égal du butin ; mais la force seule et la menace perpétuelle de l’extrême péril assurent l’exécution du pacte. Un chef unique représente l’unité de la bande ; son autorité est absolue, et on peut dire que d’ordinaire le groupe dure autant que lui. Les malfaiteurs aiment cependant cette association, que leur versatilité leur fait si souvent trahir ; et en général ils ne sont pas incapables d’affections, bien que leurs attachements soient d’ordinaire charnels et traversés de querelles brutales.

Ces caractères suffisent à distinguer le criminel du fou dans la majorité des cas. Parfois les deux états coïncident chez le mène individu. Et ce n’est que plus tard que la présence de la maladie se découvre, quand la manie, la paralysie ou l’épilepsie éclate, ou quand le maniaque, qui a fait les plus grands efforts pour dissimuler son crime (jusqu’à se préparer un alibi !), comme il avait su le préméditer, avoue enfin le mobile insensé qui l’y a déterminé. Il faut reconnaître aussi que les deux états, alors même qu’ils sont séparés, présentent des analogies frappantes, les caractères somatiques et psychologiques du fou étant seulement plus accentués que ceux du criminel. La meilleure preuve de leurs affinités, c’est que dans les générations successives de ces familles fatales, où la santé physique et morale est une exception, les névroses de toute espèce alternent avec tous les genres d’immoralité chez les deux sexes. (Voir dans le texte plusieurs généalogistes qui démontrent ce fait péremptoirement. ) Cependant, dans la plupart des cas, le médecin aliéniste pourra dire avec certitude s’il est en présence d’un fou ou d’un malfaiteur. L’alcoolisme, l’intoxication par abus du tabac, de l’opium, de la belladone, l’épilepsie, la paralysie générale, la pellagre, la monomanie, se révèlent à des yeux exercés par des signes non douteux ; il en est de même de l’hystérie, de la manie puerpérale. Des phénomènes physiques annoncent ces états morbides, comme céphalées, diarrhées, hémorrhoïdes, ménopause, insomnie, spermatorrhée, névralgie, grossesse. Les fous inventent certains mots, certaines phrases caractéristiques qu’ils répètent à satiété. Ils ont une calli-