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de la liberté… Que l’on admette la liberté ou qu’on la nie, le jugement porté sur les actes bons ou mauvais reste le même. On admire de toute façon les dons qui font l’honnête homme et l’homme de génie ; on exècre de même les instincts bas du débauché et du meurtrier. Il est à remarquer même que le vulgaire met à un plus haut prix les qualités natives, les mérites héréditaires que les qualités qu’il suppose péniblement acquises. Et cela est juste, puisque cette lutte implique une nature moins généreuse et un risque d’avortement. — 7° Si l’on nie la liberté, dit-on, plus de promesses, plus de serments, plus de contrats obligatoires. Cette crainte est aussi vaine que l’autre. Quand on promet, c’est qu’on a la ferme assurance que les motifs actuellement dominants le seront encore quand le moment viendra de tenir ce qu’on a promis. Cela ne garantit pas absolument l’exécution de la promesse ; mais est-ce que la croyance à la liberté la garantit absolument ? Est-ce qu’en fait ceux qui croient à la liberté sont par cela seul toujours fidèles à leur parole ? — 8° L’ordre social n’est pas menacé plus que la moralité par la négation du libre arbitre ; c’est ce que démontre la seconde partie de l’ouvrage. — 9° En tout cas, l’éducation trouve dans le déterminisme et la connaissance des lois de la nature humaine un fondement assuré. — 10° Enfin l’unité du moi, entendue comme elle doit l’être d’après les conceptions de Spencer et de Ardigò ;, l’unité du moi, reposant sur la conspiration organique de tous nos états de conscience, n’est en rien compromise par la juste appréciation des causes déterminantes de nos actes. La conscience de l’identité personnelle résulte du bon fonctionnement organique, de l’ordre et de la cohésion de nos pensées ; elle est susceptible de plus ou de moins ; elle est en perpétuel devenir ; elle peut s’altérer et même se transformer totalement ; elle n’est pas absolue. En quoi la croyance à la liberté peut-elle contribuer à son intégrité ? Le moi ne saurait rien ajouter ni rien retrancher à l’unité des états intérieurs dont il résulte.

Nous ne pouvons donner par cette analyse sommaire de 140 pages in-8° de petit texte qu’une très-insuffisante idée du poids de cette argumentation. La pensée de l’auteur a une allure vraiment dialectique. Elle va droit à la partie forte de l’objection et saisit résolument la pensée adverse, sans négliger cependant les arguments de détail qui se groupent autour des arguments principaux par une graduation habilement ménagée. Elle s’élève avec aisance aux vues d’ensemble. Plusieurs passages, l’un sur les mouvements inconscients, l’autre sur le mérite et le démérite, le troisième sur l’influence des motifs différents selon les individus, et d’autres qu’il serait trop long de citer, témoignent d’une réflexion approfondie et d’une certaine puissance