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possibilité de pensée ou même d’imagination que celle qui résulterait de la nécessité d’attribuer dans ce cas une valeur déterminée, différente de zéro, à une certaine constante (qu’on appelle courbure) dépendant uniquement de la constitution de l’espace et ne pouvant être évaluée qu’empiriquement. Si l’on s’attache à considérer l’espace comme une forme logique a priori, il est certain qu’il n’y a aucune raison suffisante pour que cette constante ait telle valeur déterminée plutôt que telle autre, et les arguments de M. Schmitz-Dumont sont parfaitement admissibles. Mais le principe de raison suffisante n’est pas de mise en mathématiques jusqu’à présent, et il en a même été trop fait abus en métaphysique pour qu’il ait chance à l’avenir d’être adopté ailleurs comme valable pour une démonstration rigoureuse.

Si, d’un autre côté, on regarde, au contraire, les concepts mathématiques comme ayant une origine plus ou moins empirique, et que, par suite, on repousse le cadre des formes a priori, il n’y a plus aucune nécessité logique pour la réduction à un seul des divers axiomes fondamentaux, et celui d’Euclide n’en subsistera pas moins à côté des autres, jusqu’à présent moins profondément analysés qu’il ne l’a été.

VI

Nous examinerons, dans un second article, l’application des principes de M. Schmitz-Dumont aux problèmes les plus intéressants qu’on regarde comme appartenant à la philosophie des mathématiques. Pour le moment, nous nous bornerons à critiquer un troisième point de la théorie de la connaissance que nous avons exposée.

Il s’agit de la génération du concept de quantité, présentée comme obtenue par répétition de l’acte pensant, puis par sommation (juxtaposition idéale) des diverses unités ainsi posées. Cette théorie n’appartient nullement en propre à notre auteur ; mais, quoiqu’il prétende, ainsi que ses prédécesseurs, déduire ainsi d’un fait logique primordial la genèse des nombres quelconques, entiers, fractionnaires, irrationnels ou transcendants, il remarque très-justement que le concept d’extension continue (Ausdehnung) a son origine dans la sensation, et il observe d’ailleurs à ce sujet que le degré de continuité que nous constatons dans les phénomènes de la nature dépend entièrement de la constitution de nos organes.

Or, peut-on prétendre que le concept mathématique de quantité n’implique pas celui de continuité ? À ce point de vue, la déduction logique des nombres fractionnaires et irrationnels, comme engendrés