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ressés ; c’est au fond de notre cœur seulement que nous possédons, plus ou moins consciemment, le critérium qui nous fera adopter ou combattre tel ou tel système, selon que nous paraîtront préférables ou non aux solutions que déjà nous croyons avoir, celles qu’il apportera aux éternels problèmes de la vie morale. C’est là ce que Kant a peut-être mieux senti que tout autre ; c’est là qu’est sa vraie gloire et, selon les consciences qui la jugent, la force ou la faiblesse de sa philosophie.

IV

Nous abordons maintenant la partie critique de notre tâche, que nous limiterons d’ailleurs exclusivement aux éléments mathématiques de la connaissance.

Le premier point sur lequel nous avons à présenter des observations est relatif à l’identification du concept de fonction, d’une part avec celui de la forme la plus générale de la combinaison des concepts, d’autre part avec celui de la relation de dépendance, entendu également sous son acception la plus large.

Les mathématiciens qui croient le domaine de leur science borné aux seuls concepts quantitatifs sont plus rares que M. Schmitz-Dumont ne paraît le penser, et les autres ne feront sans doute pas, en thèse générale, d’objection à la synonymie qu’il adopte ; mais ils ne peuvent plus entendre alors le mot fonction, comme il le fait, au sens technique de fonction mathématique.

C’est qu’en effet, pour formuler des théorèmes généraux sur les fonctions, on est obligé de leur attribuer certaines propriétés, constatées en réalité sur telle ou telle fonction que l’on étudie, et qu’on ne peut rien savoir a priori sur une relation concrète donnée.

Les fonctions mathématiques, c’est-à-dire celles qui ont fait en général, jusqu’à présent, l’objet des travaux des algébristes, ne constituent qu’une classe toute particulière, celle qui se prête à des déductions logiques relativement simples. Mais il ne faudrait croire ni qu’on ait désormais épuisé toutes les déductions logiques possibles, ni que la possibilité d’une déduction logique prouve d’ailleurs l’origine purement a priori d’une fonction donnée.

Si nous nous bornons à considérer les fonctions les plus simples, celles qui correspondent aux opérations de l’arithmétique, nous pouvons remarquer tout d’abord qu’historiquement leur théorie ne s’est développée en Grèce que sous une forme géométrique, c’est-à-dire concrète. Depuis que l’invention de notations algébriques a permis de donner à l’intuition du mathématicien un support plus