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Telles sont les formes a priori qui répondent aux célèbres formules de Kant. Mais, suivant M. Schmitz-Dumont, il n’y a encore là ni espace ni temps, rien du monde extérieur. Il faut ici l’intervention de la sensation et en particulier du sentiment qui produit, suivant ces formes, le concept de l’extension (continuité) en général.

« En tant que connaissance d’un devenir, la sensation se détermine sous la forme la plus générale de l’extension ; comme telle, nous la nommons temps. »

C’est la fonction sériaire, lorsque ses éléments logiques sont remplacés par des sensations ; dans les mêmes conditions, la fonction de juxtaposition sera l’espace. En raison de la constitution des formes a priori auxquelles ils correspondent, le temps ne peut avoir qu’une, l’espace que trois dimensions.

Les trois dimensions de l’espace sont simultanément pensées ; elles sentie résultat nécessaire d’une conclusion tirée de la différence des sensations. Un sens unique, celui de l’ouïe par exemple, suffirait, sous certaines conditions extérieures, à les établir.

En somme, la doctrine kantienne sur le temps et l’espace est plutôt complétée que modifiée par l’analyse des éléments qui concourent à la formation de ces concepts, mais le caractère apriorique de cette doctrine s’exagère en fait, loin de s’atténuer.

En ce qui concerne au contraire la réalité du monde extérieur, M. Schmitz-Dumont est d’une tout autre école.

Il considère l’hypothèse de l’atome sans dimensions comme désormais la seule admissible scientifiquement. De ce point de vue, le monde est un ensemble de points, centres de forces, agissant à distance les uns sur les autres. Mais cette conception, établie pour les besoins de la vie matérielle, et qui fait d’ailleurs évanouir comme une illusion subjective la réalité phénoménale, est tout aussi incomplète que, d’un autre côté, celle de l’Être absolument parfait, conception relative aux besoins de la vie morale, et qui conduit l’idéaliste, par un tout autre chemin, à une conclusion analogue au fond. Pour résoudre entièrement le problème, il faut revenir au point de départ, « que l’existence est un devenir, sensation et pensée, » et se débarrasser de l’opposition établie à tort entre l’être et la pensée.

Dès lors on a le droit de dire tout aussi bien : « Je construis le monde sous les formes de temps et d’espace, » ou : « Le monde extérieur existe dans le temps et dans l’espace. » Abstraction ne pouvant être faite du sujet sentant et pensant, l’existence du monde est vraie, aussi bien subjectivement qu’objectivement, précisément d’après le principe que l’existence est un devenir qui consiste, pour nous, en sensation et en pensée.