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tannery. — la théorie de la connaissance

que, si les deux fonctions étaient semblablement composées, serait égal à , et qu’ainsi leur différence est conditionnée par , présent dans l’une des fonctions, absent de l’autre.

L’idée maîtresse de notre auteur s’est fait jour désormais ; armé de son principe de critique, il va constituer comme science exacte, antérieure et supérieure aux mathématiques, une logique dont le rôle sera de préciser le sens et la valeur de tous les concepts employés dans ces sciences, qu’il affirme d’ailleurs dériver de la pensée pure, et qu’il appelle concepts de l’intuition. Tout ce qui ne pliera pas sous sa règle sera éliminé et déclaré non pensable.

Cette règle, telle que nous l’avons exposée d’après lui, paraît, il est vrai, bien inoffensive, et ne soulève guère d’objections. Mais il faut la voir dans l’application ; ce n’est plus, en fait, d’identité ni de contradiction qu’il s’agit, mais de la raison suffisante dans toute sa raideur apriorique. Tous les principes des mathématiques, tous les axiomes de la géométrie, tous les postulats de la mécanique doivent avoir la leur ; il faut donc qu’ils subissent, de gré ou de force, une démonstration logique, même le fait que l’espace a trois dimensions et pas plus, même la loi physique de l’action en raison inverse du carré des distances. Je laisse à penser quel accueil est fait aux théories de Lobatschefski ou de Riemann, à la géométrie non euclidienne et à l’espace pseudosphérique.

Mais n’anticipons pas sur la discussion de ces questions, et terminons l’exposé de la théorie de la connaissance.

Les formes de la pensée, d’après notre auteur, doivent se diviser en deux classes, les extérieures et les intérieures, suivant que le concept de fonction qui leur sert, pour ainsi dire, de moule universel, est considéré soit comme un tout, soit suivant les relations qui, dans ce tout, peuvent exister entre les parties.

Les formes extérieures sont au nombre de deux : la forme sériaire ou par succession, obtenue par répétition de l’acte pensant, avec distinction des diverses unités ainsi posées ; la forme numérique ou de juxtaposition, par sommation de ces unités. Le concept de quantité est ainsi obtenu ; pour celui de qualité, même intensive, l’intervention du sentiment est nécessaire.

Les formes intérieures se rapportent à deux sortes de relations : la direction ; l’éloignement. Dans la forme sériaire, il n’y a que deux directions possibles, le progrès et la régression ; dans la forme de juxtaposition, une direction quelconque est toujours déterminée par ses relations avec trois directions principales. Le concept de l’éloignement se forme en général en établissant la relation entre des éléments non juxtaposés sur une même direction.