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Telles sont les conditions physiques des deux sensations musculaires d’espace. « Le sens musculaire est ainsi absolument unique en ce que le manque de commune mesure entre la forme de l’excitation et la sensation subjective, qui existe pour tout autre sens, n’existe pas ici. « C’est le mouvement du membre, le muscle, l’extrémité nerveuse elle-même qui répond par un sentiment non de chaleur, de son ou de lumière, mais de mouvement. Ce sens n’est donc pas le signe de quelque chose en soi inconnue. Le mouvement perçu directement par la conscience n’est pas hétérogène en qualité avec le mouvement perçu indirectement par les sens spéciaux de la vue et du toucher. »

Chez l’homme, le sens musculaire n’est que rudimentaire ; mais il est probable qu’avant le développement du sens de la vue et du toucher il a joué le rôle principal dans la vie animale. Vierordt, dans son livre Zeitsinn, etc., pense aussi que le mouvement n’est pas une perception, mais une sensation immédiate qui n’implique aucune connaissance inductive de temps ni d’espace. Il cite à l’appui de sa thèse un certain nombre de fausses sensations qui persistent chez l’adulte et qu’il considère comme des résidus non rectifiés des pures sensations primitives.

La psychologie associationiste nous a appris que certains états intellectuels, par suite d’une fusion, deviennent inconscients. Ce processus est de la plus haute importance pour comprendre la perception de l’espace : ce qui a été à l’origine un effort musculaire prononcé s’abrège maintenant sous la forme d’une pure idéation motrice liée à une innervation qui peut rester au-dessous du seuil de la contraction ou tension musculaire. L’opinion de Hughlings Jackson, qui donne pour base à l’esprit des procesus sensori-moteurs, est complètement adoptée par notre auteur[1]. Nous sommes ainsi amenés à conclure que toute sensation de mouvement implique elle-même de l’espace. — On objecte que l’espace est l’antécédent logique du mouvement. Mais le point de vue psychologico-génétique de la question prime toute considération métaphysique. Or nous avons vu que la sensation de mouvement est le premier, le plus simple, le plus universel des éléments psychiques de la vie animale. Cette sensation a dû consister en ce qu’une vague partie de la substance nervoso-musculaire « a senti son propre mouvement comme mû ».

Il est clair que cette sensation musculaire, sous la forme primitive que nous venons de caractériser et qui suffit à la pleine solution de la question de l’espace, doit disparaître absolument, comme une forme embryonnaire, à mesure que de nouvelles sensations se produisent et créent de nouveaux rapports. Ces conclusions, que l’auteur juge en

  1. Pour l’exposé de cette théorie de Hughlings Jackson, voir Revue philosophique, tome i, p. 214. Il admet, par exemple, que, quand un mot est reproduit dans la conscience, les centres du langage articulé sont intéressés. Notre idée d’un objet visible, d’une boule, est composée d’impressions de surfaces et d’ajustements oculaires.