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analyses.Pessimisten Brevier.

Pessimisten Brevier, von einem Geweihten. Extractum vitæ. Bréviaire pessimiste, par un adepte. Berlin, Theobald Grieben, 1879. x-422 pages in-18.

Il est des systèmes étriqués, bourgeois ; il en est d’autres d’une ampleur vraiment orientale et d’une aristocratie hautaine. Les uns expirent sur les lèvres ou dans l’encrier de quelque rêveur isolé ; au contraire, les autres marchent à la conquête de l’esprit tout entier. Tel fut l’hégélianisme il y a trente-cinq ans ; tel aujourd’hui le pessimisme. Il a ses poètes, ses peintres, ses sculpteurs, ses hommes politiques. Devenir le compendium de la foi nouvelle serait la prétention de notre livre.

La prétention n’est pas mince pour qui a goûté avec l’Ecclésiaste ou sur les traces de Çâkia-Muni les joies de l’universelle vanité ; elle est inadmissible pour qui a lu l’ouvrage.

Est-ce à dire que ce nouveau Bréviaire soit dénué de tout mérite ? — En ces temps de littérature internationale, un livre philosophique dont la couleur locale n’est pas tout entière dans le nom du marché qui l’a vu naître est un livre rare. Celui-ci est allemand par trois qualités auxquelles la critique nationale n’a pas manqué d’applaudir : il est allemand par la richesse étonnante de la langue, par l’inépuisable variété des tours, par l’enlacement quelquefois obscur, mais toujours flexueux, des vocables.

Le Livre de la Plainte (la première des quatre parties qui composent notre manuel[1]) s’ouvre et se ferme par un concert poétique dont on essayerait en vain de traduire les prosaïques dissonances. Ces quelques lignes de l’ « ouverture » suffiront au moins à l’appréciation de la valeur littéraire de l’idée : « Douleur sacrée, mon unique consolation, le plus fidèle ami de ma jeunesse, sur les hauteurs de la vie mon dernier confident ! Compagnon de ma vieillesse qui descend dans la tombe, tu me donnes la paix du ressentiment étouffé. Larmes qui coulez, vous respirez l’amitié. L’affliction est ma joie, l’amertume mon soulagement, depuis que tu es mon maître et mon guide dans la nuit de l’existence. Le silence plane en moi dès que je pense à fixer ton regard morne et profond. En toi seulement je repose. Près de toi seulement je suis tranquille. Avec toi seule je suis complètement chez moi. Là seulement où lu t’attardes, je me connais un foyer… »

La déclamation et la banalité sont sœurs et, chose rare, sœurs qui ne se jalousent point. Le lecteur apercevra plus d’un air de famille entre la proscpopée que sa patience vient de subir et les maximes (l’auteur procède à la Vauvenargues) que nous allons soumettre à son jugement :

« Les douleurs sont les secours que j’appelle, car elles sont amies : elles atteignent au bien.

« Les plaintes ne sont que des secours futiles pour notre douleur :

  1. Les autres sont intitulées : Livre de l’Accusation, Livre de la Justice, Livre du Néant.