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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS




E. Dühring. Cours de philosophie, ou Exposé rigoureusement scientifique des principes qui doivent servir a l’explication du monde et à la direction de la volonté (Cursus der philosophie, als streng wissenschaftlicger Weltanschauung und Lebensgestallung. Leipzig, chez Koschny[1].

IV. Les mœurs, la justice, les manifestations supérieures de la vie humaine. — L’être raisonnable juge bon tout ce qui favorise d’une manière constante ses facultés, et déclare mauvais (schlimmes) tout ce qui les contrarie. Lorsque le mal lui vient d’un agent responsable, il considère l’action comme moralement mauvaise (böses). Il juge de la même manière ses propres actes, que les effets en retombent sur les autres ou sur lui. Développer en soi la faculté et l’habitude d’accomplir les actes reconnus bons et d’éviter les autres : c’est ce qui s’appelle former ses mœurs. Les habitudes ne doivent pas être confondues avec les mœurs : celles-ci sont l’œuvre de la volonté agissant avec réflexion et d’après des principes. Il reste encore à discerner les bonnes mœurs d’avec les mauvaises. — À cette distinction, on oppose la diversité des mœurs et des jugements moraux ; on n’en peut rien conclure de plus, pourtant, que de la diversité des jugements sur le vrai et sur le faux. Le doute permanent est un état de faiblesse maladive, et n’exprime que la grossière confusion des idées. « Il cherche à ériger en système la conscience qu’il a de son néant, pour se donner quelque apparence de solidité. » Les faux jugements, comme les mauvaises actions, ont leurs causes, qui permettent de les expliquer et de les éviter. La formation d’une conscience éclairée et d’une volonté droite au sein de l’humanité demande sans doute bien du temps, elle dépend des lieux, des circonstances. Toutes ces conditions influent sur la connaissance et l’accomplissement du devoir, non sur la vérité et l’autorité absolue de la loi morale. — On peut déduire la morale de la volonté, pourvu que l’on entende sous ce nom non pas une abstraction, mais le vouloir concret, qui résulte nécessairement des penchants et des jugements multiples de l’individu. Kant a transformé en une conception nuageuse et à moitié mystique l’idée qu’il avait empruntée à Rousseau. La volonté générale

  1. Voir année 1876, t. II, p. 393 de la Revue philosophique.