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espinas. — études de psychologie comparée

lent choix d’exemples (p. 281). Nous n’insisterons pas sur la classification des groupes sociaux proposée ici ; elle ne diffère dans son ensemble de celle que nous avons proposée nous-même que sur un petit nombre de points. Ainsi les prétendues républiques de guêpes et de fourmis sont placées bien plus haut dans l’échelle que nous n’avons cru devoir les placer nous-même, et en général nous trouvons que les facultés des hyménoptères ont été dans ce livre l’objet d’un jugement trop favorable, en même temps qu’on affirmait (chose singulière) que leur cerveau était nul, ce qui n’est point vrai, surtout pour les fourmis (Lubbock) ; mais si, laissant de côté ces dissidences de détail, nous cherchons quel est, suivant Tissot, le principe de la vie sociale, et par conséquent sa nature, nous le rencontrons en quête de cette origine dans les régions où nous avons cru la trouver. Ici, nous devons citer le texte même, pour ne pas paraître faire violence à la pensée de Fauteur. « Cette propriété (de former un seul être à plusieurs) serait même beaucoup plus étendue, suivant certains naturalistes modernes, que ne le croyaient leurs devanciers. Elle se rencontrerait à des degrés divers dans les animaux et surtout dans les plantes. Elle serait donc une propriété générale de tous les êtres vivants. » À plusieurs reprises, il compare les actes concertés des sociétés animales aux mouvements concertés des polypes libres (acalèphes hydrostatiques), chez lesquels la division du travail est poussée si loin. Mais il ne va pas dans cette comparaison beaucoup au delà de Virey, de qui il paraît tenir cet ordre d’idées, et il n’indique pas le lien qui unit les sociétés de nutrition ou polypoïdales aux sociétés de reproduction. Il y a un point, qui touche aux sociétés, où il est aussi affirmatif que les faits l’exigent : c’est celui de la propriété chez les animaux ; les pages 329 et 330 contiennent à ce sujet des preuves irrécusables.

C’est encore une vue originale que la comparaison entre les tendances de la plante et les instincts de l’animal. L’une et l’autre ont leurs demeures d’élection, leurs stations favorites ; l’une et l’autre ont leurs préférences tantôt pour la pleine lumière, tantôt pour la demi-obscurité ou même pour la nuit, comme la mirabilis et les cavernicoles ; l’une et l’autre ont leur industrie native, qu’aucun apprentissage n’institue ni ne perfectionne, et savent tirer parti du milieu où ils vivent pour leur alimentation. La plante a ses mœurs comme l’animal, ses amours, sa sensibilité, etc. Nous passons rapidement sur ce curieux chapitre, dont nous discuterons tout à l’heure l’idée dominante.

Tissot ne pouvait renouveler par le fond la théorie de l’instinct à laquelle il s’était rallié. Elle est restée la même depuis saint Thomas,