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si peu connu en France, que nous ne croyons même pas qu’il existe sur lui une seule notice. Beneke a cependant eu une influence assez considérable sur les études psychologiques en Allemagne, pendant le second tiers de notre siècle. Sans partager l’enthousiasme de Dressler, son principal disciple, qui voit en lui le fondateur de la psychologie naturelle, on doit reconnaître qu’il a fait dans son temps une œuvre utile, qu’il a lutté bravement contre les théories à priori à l’époque de leur triomphe, qu’il a réussi à former une petite école, et que l’empreinte de sa pensée se retrouve encore dans bon nombre d’écrits.

Edouard Beneke est né à Berlin, le 17 février 1798, et mort dans la même ville, le 1er mars 1854. Après avoir pris part à la campagne de 1815, il étudia la théologie et la philosophie, s’attacha aux doctrines de Fries, Schleiermacher, Kant et Jacobi, et à la philosophie anglaise du xviiie siècle, peu en vogue chez les Allemands à cette époque. On admet généralement que la lecture de Herbart n’a pas été sans influence sur son développement. Il enseignait comme privat-docent à l’Université de Berlin, lorsque la publication de son livre : Fondement d’une physique des mœurs comme antithèse au fondement de la métaphysique des mœurs de Kant (1822), le fit priver de cet emploi. Cette disgrâce a été attribuée à l’influence de Hegel. On reprochait à Beneke de professer l’épicurisme ; mais, en fait, sa thèse morale était en faveur du sentiment ; il combattait l’impératif catégorique de Kant, le « despotisme de la règle », et par là faisait cause commune avec Jacobi. Une chaire de professeur ordinaire fut offerte par le gouvernement de Saxe à Beneke : le Ministre prussien intervint et le fit écarter. Beneke se réfugia à Göttingen (1824) ; il trouva moyen plus tard de revenir à Berlin et y obtint une chaire de professeur extraordinaire, peu après la mort de Hegel (1832).

Il a beaucoup écrit : la liste complète de ses ouvrages en comprend vingt-huit. Quoiqu’ils embrassent des questions très-diverses (métaphysique, religion, morale, pédagogie, etc.), ils sont consacrés pour la plupart à la psychologie. Le livre dont nous annonçons la quatrième édition[1] est considéré d’ailleurs comme le meilleur résumé de sa doctrine. Ajoutons que l’éditeur, par l’abondance des notes et des renvois placés après chaque section, permet au lecteur, s’il le désire, de rassembler sans peine tout ce que Beneke a écrit sur une question déterminée. Ce livre est d’aspect un peu sec, comme tout résumé ; nous n’en ferons pas une analyse ; nous dégagerons seulement les vues personnelles de l’auteur.

Beneke donne à la psychologie une importance capitale ; et, au contraire de Herbart, qui appuie la psychologie sur la métaphysique, Beneke déduit la métaphysique de la psychologie. À beaucoup d’égards, il se rapproche de la conception propre à l’école écossaise, qui, opposant la philosophie de la nature à la philosophie de l’esprit, attribue à l’une

  1. La première a paru en 1833, la seconde en 1845, la troisième en 1861, après la mort de Beneke, par les soins de Dressler.