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delbœuf. — la loi psychophysique

Encore un mot pour terminer le résumé de cette partie de la polémique. Hering disait que les sens du goût et de l’odorat étaient restés en dehors de toute recherche[1]. Fechner nous apprend (p. 161) qu’en 1869 le sens du goût a été l’objet d’expériences de la part de M. Kepler, et que les résultats, d’après l’auteur, en seraient en contradiction avec la loi de Weber. Mais, les calculs étant refaits, il se trouve, au contraire, qu’ils sont en accord suffisant avec cette loi — il en est ainsi au moins pour les essais portant sur le sel de cuisine.

L’objection, selon moi, la plus grave formulée par Hering contre la loi de Fechner, c’est qu’elle ne découle pas, comme le croit son auteur, de celle de Weber[2]. Cette critique porte le débat sur le terrain mathématique. L’argumentation de Fechner m’a semblé peu nette. Il se contente d’affirmer que les sensations des minima perceptibles sont toujours égales (p. 42 et suiv.). Mais c’est là répondre à la question par la question. Il a entretenu sur ce point, nous apprend-il, une longue correspondance avec son contradicteur, mais il ne paraît pas qu’ils soient parvenus à se mettre d’accord, ni que l’un ait convaincu l’autre.


IV. — La formule de M. Plateau et les expériences de M. Lowne.


Fechner fait figurer M. Plateau au nombre de ses antagonistes. Le célèbre physicien de Gand est, il est vrai, l’inventeur d’une formule psychophysique ; mais il ne la fait reposer sur aucune espèce d’expériences et il en reconnaît lui-même la fausseté. Voici à quelle occasion elle a vu le jour. Lors de la présentation à l’Académie de Belgique de mon premier mémoire sur la lumière et la fatigue, il a cru devoir lancer une note où il mentionne ce fait — rappelé d’ailleurs dans mon travail[3] — qu’autrefois il avait songé à mesurer les sensations lumineuses. Pour cela il avait pris deux cartons, l’un blanc, l’autre aussi noir que possible, et il avait prié séparément plusieurs personnes compétentes (entre autres, je crois, le peintre Madou) de donner à un troisième une teinte exactement intermédiaire. Les teintes fournies furent sensiblement les mêmes. Ayant mesuré photométriquement celle qui paraissait moyenne entre toutes, il avait trouvé que son éclat était 1/8 de celui de la teinte blanche. Il avait de ce fait tiré cette conclusion — toute pro-

  1. Revue phil., loc. cit., p. 237.
  2. Ibid., loc. cit., p. 230 et 231.
  3. Étude psychophysique, p. 51.