Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
532
revue philosophique

de faire la révérence et de lever le chapeau. De plus, on peut remarquer la même différence entre les nations de l’Europe selon qu’elles sont plus ou moins militantes. Sur le continent, les salutations sont plus complètes et plus soigneusement observées qu’en Angleterre. Même notre propre société peut nous servir de témoignage : les classes supérieures, constituant cette partie régulative de la structure sociale qui ici, comme ailleurs, a été développée par le système militant, observent les formes de la salutation avec plus de rigueur non-seulement à la cour, mais aussi dans les relations privées, que les classes constituant les structures industrielles. Parmi les membres de ces dernières, on ne voit guère que l’inclinaison ou un léger mouvement de la tête. Je puis ajouter le fait significatif que dans les parties de notre société nettement militantes — l’armée et la marine — non-seulement les saluts sont exécutés avec plus de régularité et de rigueur que dans les autres parties, mais en outre, dans l’une d’elles, la marine, caractérisée surtout par l’absolutisme des chefs supérieurs, il survit un usage analogue à ceux des sociétés barbares : dans le Burmah, ceux qui approchent le palais sont obligés de se prosterner ; les Dahomans se prosternent devant l’entrée du palais ; aux îles Fidji, il est ordonné « de se courber en signe de respect devant un chef ou devant sa demeure ou devant un établissement royal », et, quand on va à bord d’un vaisseau de guerre anglais, c’est la coutume d’ôter le chapeau devant le gaillard d’arrière.

Nous avons bon nombre de témoignages qui prouvent l’existence de contrastes semblables entre les hommages rendus à l’être surnaturel, soit esprit, soit divinité. En Chine, on porte maintenant, comme autrefois chez les Hébreux, de la toile à sac pour attirer la faveur de l’esprit ; en Orient, on découvre encore une partie du corps et on répand de la cendre sur la tête aux funérailles ; ces coutumes n’existent plus dans les sociétés avancées où l’industrialisme a profondément modifié les types de structure. Dans notre pays, où ce changement est le plus marqué, les hommages rendus aux morts se bornent aujourd’hui à se découvrir la tête près de la tombe. Il en est de même des salutations usitées dans les cérémonies religieuses. Dans aucun cas, on ne marche ici nu-pieds en approchant un temple, comme on le faisait dans l’ancien Pérou ; jamais on ne se déchausse ici quand on entre dans un temple, comme cela a lieu en Orient ; même sur le continent, de tels actes se voient seulement dans les occasions de pénitence. Dans les pays où les institutions sociales plus libres, qui se rattachent au type industriel, ont profondément modifié le type militant, on ne se prosterne pas, on ne frappe pas plusieurs