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herbert spencer. — études de sociologie.

ment de la valeur de l’objet donné, tandis qu’en vertu de sa valeur réelle, il pourvoit aux besoins du prêtre et permet l’établissement d’une société qui dirige le culte : de l’oblation découlent les revenus de l’Église.

Ainsi nous arrivons inopinément à une nouvelle preuve que le contrôle de la cérémonie précède les contrôles politiques et ecclésiastiques, puisque nous voyons que des actes cérémoniels découlent dans la suite les fonds nécessaires au maintien de ces derniers.

Si nous cherchons quels sont les rapports entre la coutume d’offrir des présents et les différents types sociaux, nous remarquerons, en premier lieu, qu’elle n’existe guère dans les sociétés simples, qui n’ont pas de chef ou qui ne reconnaissent pas d’autorité régulière. Elle ne peut évidemment s’établir ni se systématiser chez les tribus nomades sans chef, ni dans les tribus simples qui ont une demeure fixe, mais où l’autorité est nominale. Mais nous trouvons qu’elle règne dans les sociétés composées, par exemple dans tous les États à demi civilisés de l’Afrique, de la Polynésie, de l’Amérique ancienne, etc., où la présence d’autorités régulières, supérieures et inférieures, crée à la fois l’occasion et le motif ; et, reconnaissant cette vérité, nous sommes amenés à admettre cette autre vérité plus profonde : que la coutume d’offrir des présents, liée seulement d’une façon indirecte au type social, en tant que simple ou composé, y est directement liée en tant que sa structure est plus ou moins militante. Le désir de propitiation est proportionnel à la crainte inspirée par la personne dont on recherche la faveur ; c’est pourquoi le chef conquérant, et davantage encore le roi qui est arrivé par la force des armes à la suprématie sur un grand nombre de chefs, voit sa faveur recherchée par des actes qui, à la fois, contentent son avarice et expriment la soumission. Telle est la raison de ce fait que l’usage d’offrir des présents au chef règne principalement dans les sociétés actuellement militantes ou dans lesquelles le militarisme de quelques périodes antérieures a développé le gouvernement despotique correspondant à cet état. Voilà pourquoi en Orient, où ce type social existe partout, les présents aux chefs sont partout obligatoires. Voilà pourquoi, aux époques primitives de l’Europe, quand la société était militante et que l’organisation sociale était conforme à cet état, les individus et les corporations offraient partout des présents au roi, tandis que les largesses des supérieurs aux inférieurs, résultant de cette condition de dépendance absolue qui accompagnait l’état militant, étaient communes.

Nous remarquons que les mêmes rapports subsistent à l’égard des oblations faites aux divinités. Dans les États militants du nou-