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herbert spencer. — études de sociologie.

consomment deux parties d’une chose fixent en eux quelque qualité qui les unit, cette même opinion qui fonde la coutume de former une alliance fraternelle en buvant du sang les uns des autres, qui crée le rite funèbre d’offrir du sang, qui suggère les pratiques du sorcier, qui donne de la force aux droits fondés sur le fait d’avoir pris part au même repas, cette opinion est l’origine de l’usage général de consommer une partie de l’offrande d’aliments faite à l’esprit ou au dieu. En quelques endroits, tout le peuple prend part à l’offrande ; ailleurs ce sont seulement les médecins et les prêtres ; et en quelques lieux la dernière pratique est habituelle, tandis que la première est occasionnelle, comme dans l’ancien Mexique, où les communiants « qui avaient pris part au festin sacré s’engageaient ainsi à servir le dieu pendant l’année suivante ».

Le fait qui nous intéresse ici, c’est que les présents ainsi employés ont donné naissance à la subsistance fournie aux prêtres. Quand nous lisons que les prêtres des Chippeways « sont entretenus par des contributions volontaires de provisions » et que les prêtres des Khonds ont de certains revenus éventuels et reçoivent des présents, nous voyons vaguement comment, à ces époques grossières, le clergé commence à être entretenu au moyen des sacrifices ; d’autres cas nous démontrent clairement le fait. Burton dit qu’au Dahomey « ceux qui ont le soin des âmes ne reçoivent pas de payement régulier, mais vivent très-bien au moyen des dons des fidèles, » et Forbes constate plus spécialement que dans leurs temples « de petites offrandes sont faites tous les jours par les fidèles et enlevées par les prêtres ». De même, dans le royaume voisin des Achantis, « le revenu des prêtres des fétiches découle de la libéralité du peuple. La moitié des offrandes faites au fétiche appartient aux prêtres. » Il en est de même en Polynésie. Ellis, décrivant le médecin tahitien comme étant presque toujours un prêtre, dit qu’avant de commencer ses opérations il recevait un salaire, dont une partie était supposée revenir aux dieux. Il en était de même dans les anciens États de l’Amérique.

Un interrogatoire rapporté par Oviedo contient ce passage : — Faites-vous quelque autre offrande dans les temples ? — Chacun apporte de chez lui ce qu’il désire offrir : de la volaille, du poisson, du mais, ou autre chose, et les prêtres emportent le tout et le placent dans l’intérieur du temple. — Qui mange ces offrandes ? — Le père du temple les mange, et ce qui reste est mangé par les prêtres.

Dans le Pérou, où l’adoration des morts était la principale occupation des vivants et où le système ecclésiastique était soigneuse-