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marion. — john locke d’après des documents nouveaux

Limborch. À part quelques reproches, que celui-ci avait mérités en laissant deviner le nom de l’auteur de la Lettre sur la Tolérance, mais que Locke n’eût pas faits si vifs s’il eût été moins timoré, l’amitié entre ces deux hommes fut sans nuages, alla toujours se fortifiant. — Cependant la santé de Locke souffrait et de ses excès de travail et de son séjour à Londres. Il accepta d’abord une petite maison avec jardin, que le comte de Monmouth mettait à sa disposition dans le voisinage immédiat de la ville, puis, à la suite d’une maladie grave, jugea nécessaire de chercher plus loin encore un air plus pur. À Oates (Essex) vivait dans une jolie campagne son ancienne amie, Damaris Cudworth, maintenant mariée à sir Francis Masham, lequel avait huit enfants d’un premier lit. Le lieu plaisait à Locke, et la vie patriarcale qu’on y menait, et plus encore la société d’une femme exceptionnelle par l’esprit, le. cœur et le caractère. Sur les instances de ces amis, il consentit à venir s’installer définitivement auprès d’eux, à 20 milles de Londres. Bien qu’il eût gardé un pied-à-terre en ville, il n’y allait plus que par intervalles, n’y passait que le temps nécessaire pour ses affaires, préférait à tout désor, mais le recueillement de cette aimable retraite, l’intimité exquise qu’il y trouvait, le spectacle des travaux rustiques, les jeux mêmes des enfants. Médecin de la maison et de tout le voisinage, il inspirait en effet une vive affection aux enfants et aux paysans, preuve non trompeuse de l’aménité de son caractère. Pendant que son nom grandissait, que d’illustres personnages lui écrivaient ou venaient le visiter, son plaisir était de faire causer les métayers, de se promener avec Esther Masham ou Betty Clarke, de jouir entièrement, naïvement, de la vie de famille.

Ses méditations se portèrent alors vers les textes sacrés. Comme son ami Isaac Newton, plus jeune que lui de dix ans, mais dont le rapprochaient une admiration mutuelle et la communauté des opinions, il fait des recherches sur le sens et l’authenticité des Ecritures : c’est le principal objet des lettres qu’ils échangent, et sans doute aussi de leurs entretiens dans la visite de Locke à Cambridge. Les origines de cette amitié sont inconnues ; mais elle était devenue plus étroite en 1691 par l’intervention empressée et tenace du philosophe auprès de ses amis, pour faire nommer le savant au poste longtemps souhaité de directeur de la Monnaie. Si l’irritabilité de Newton (causée par un trouble alarmant du système nerveux) rendit parfois difficiles leurs rapports, rien ne compromit jamais leur attachement réciproque, grâce à l’empressement généreux de l’un à confesser ses torts, et de l’autre à les pardonner.

Toutefois notre sage ne pouvait se réduire dans sa retraite à une