Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
425
ANALYSESherbert spencer. — Principes de biologie.

de l’usure, communs à tous les êtres vivants, et les phénomènes de réparation localisée, par lesquels un homard, par exemple, remplace une patte perdue, on est conduit à se demander comment la forme spécifique de l’individu est conservée ou réparée. On ne saurait prétendre que le germe de chaque organisme contient l’organisme en miniature, et que chaque partie qui en sort contient à son tour une réduction de son plan. Force est donc de dire que les parties vivantes qui constituent l’individu et ses divers fragments « ont une tendance native à s’arranger sous la forme de l’organisme auquel elles appartiennent ». Toute plante, tout animal seraient faits d’unités spéciales, douées d’une aptitude intrinsèque à s’agréger sous une forme déterminée, de même que les atomes de tel ou tel sel ont une tendance à cristalliser de telle ou telle façon.

Appelons polarité organique cette force spéciale d’agrégation. En quels éléments résidera-t-elle ? Ce ne sera pas dans les cellules ou unités morphologiques, car la formation d’une cellule est déjà une manifestation de la polarité organique. — Ce ne sera pas davantage dans les unités chimiques, car alors on ne s’expliquerait pas la dissemblance des organismes. Il reste qu’elle appartienne à certaines unités intermédiaires, que M. Spencer appelle physiologiques. « Il me semble, dit-il, qu’il n’y ait pas d’autre alternative que d’admettre que les unités chimiques se combinent pour former des unités éminemment plus complexes qu’elles-mêmes, toutes complexes qu’elles soient, et que, dans chaque organisme, les unités physiologiques, produites par cette combinaison d’atomes d’une composition avancée, ont un caractère plus ou moins distinct. Nous devons conclure que, dans chaque cas, une légère différence dans ces unités, amenant une légère différence dans le jeu réciproque de leurs forces, produit une différence dans la forme que prend leur agrégat. »

Suivons maintenant les principales conséquences de cette hypothèse. Nous allons voir comment, combinée avec les premiers principes, elle sert à expliquer les phénomènes mystérieux de la transmission et de la variation des caractères.

Rien n’est plus obscur que la loi d’hérédité. Comment se fait-il que le descendant ressemble à ses ascendants et, dans le cas de la génération sexuée, à l’un plus qu’à l’autre des deux ? Comment se fait-il que, dans une lignée d’êtres, l’un revienne brusquement aux traits et aux caractères d’un ancêtre éloigné ? L’hypothèse des unités physiologiques jette quelque lumière sur ces faits mystérieux. Ces unités ont, nous l’avons dit, des polarités spéciales ; en conséquence de leurs structures propres et par le jeu naturel de leur polarité, elles sont forcées de prendre la forme des espèces auxquelles elles appartiennent. — D’autre part, « nous avons des raisons de rejeter la supposition que les cellules spermatiques et les cellules germinatives sont des cellules très-spécialisées, et d’admettre la supposition opposée, que ce sont des cellules différant des autres bien plutôt en ce qu’elles sont non spécialisées.