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ANALYSESherbert spencer. — Principes de biologie.

imposaient les inductions acquises et déjà reçues, un ample champ à déployer les éminentes qualités de son esprit, et en particulier sa puissante faculté de déduction.

Ce qui frappe en effet à la lecture des Principes de biologie, c’est moins la riche collection dés faits, pour la plupart connus, et des inductions, presque toutes empruntées aux biologistes, que la rigueur systématique avec laquelle faits et inductions sont reliés déductivement aux principes premiers de l’évolution. Là est, à notre sens, la plus grande originalité du livre. Recueillir les faits relatifs aux manifestations de la vie, les grouper de façon à en dégager les analogies et les lois, c’eût été faire œuvre de savant, et non de philosophe. Sans doute un tel travail a précédé l’élaboration des Premiers Principes, car aucune espèce de faits n’était plus propre que ceux de la vie à fournir une base aux inductions générales de l’évolutionisme ; mais ces principes généraux une fois extraits des phénomènes, et c’est là qu’apparaît le caractère philosophique de la méthode de M. Spencer, il fallait les appliquer aux faits d’où ils sont sortis, et pour cela ne pas seulement retrouver ces faits par voie déductive, mais encore compléter et corriger des explications jusque-là imparfaites, découvrir la raison de phénomènes encore inexpliqués, et par-dessus tout assigner la cause de l’évolution organique. Ce n’est pas à dire que l’allure de l’ouvrage soit entièrement déductive ; l’induction et la déduction s’y mêlent en une sorte de circulation alternante, comme dans tous les autres ouvrages du même auteur ; mais la seconde nous semble avoir obtenu la meilleure part.

M. Spencer commence par recueillir les données de la biologie (première partie). C’est une revue des faits, aboutissant à une définition de la vie. Après avoir constaté que par la composition chimique des éléments qui la constituent, par une facilité extrême à recevoir l’action des forces extérieures, par une aptitude non moins grande à réagir sur l’action de ces forces, la matière organisée se prête admirablement aux redistributions de matière et de mouvement qui sont le fond de l’évolution, M. Spencer définit la vie « la combinaison définie des changements hétérogènes, à la fois simultanés et successifs, en correspondance avec des coexistences et des séquences externes. »

Cette définition a l’avantage de condenser un grand nombre des traits spéciaux des corps organisés et de s’appliquer aux formes les plus basses et les plus élevées de la vie. Il est incontestable que toute opération vitale est un changement ; que ce changement est composé de changements à la fois simultanés et successifs, différents les uns des autres ; que chacun d’eux dépend de tous les autres et, par contrecoup, retentit sur eux, et enfin que la combinaison de ces changements est en correspondance avec des événements extérieurs. Mais on peut se demander si le trait le plus saillant de la vie n’est pas laissé dans l’ombre. Négligeons les conceptions métaphysiques de la vie ; M. Spencer y opposerait une fin de non-recevoir. Sans sortir du domaine des faits les plus positifs, n’est-il pas vrai que le caractère fondamental de