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richet. — méthode de la psychologie physiologique

amène un résultat nouveau, sans que les résultats antérieurs soient compromis par les découvertes nouvelles. Comme le dit M. Claude Bernard, qui est aussi bien un maître pour la méthode qu’un maître pour la science, deux faits ne se contredisent jamais, et s’ils semblent se contredire, c’est qu’on en donne une interprétation erronée. — Ainsi, parce qu’il y a des inconséquences, des incohérences, des ignorances, personne ne se refusera à reconnaître que la psychologie physiologique est une science, science à peine ébauchée, avec un groupe de faits certains très-petit, mais qui a devant elle un horizon illimité.

Venons maintenant aux attaques dirigées par M. Egger non plus contre la méthode physiologique, , mais contre les hypothèses de M. Luys. M. Egger s’est abstenu prudemment de toute discussion anatomique, dangereuse avec un adversaire si redoutable, et il s’est contenté de critiquer le style, les expressions, les métaphores, assurément ingénieuses, mais, ainsi que nous l’avons dit plus haut, personnelles à M. Luys, sans que personne ait cru avantageux de les adopter.

Deux expressions sont critiquées par M. Egger, au sujet desquelles il est peut-être bon d’insister, car au premier abord elles prêtent beaucoup à la critique : je veux parler des mots sensibilité inconsciente, et phosphorescence du cerveau.

Il est certain que si on prend l’expression dans sa rigueur absolue, la sensibilité inconsciente est un non-sens formel. On ne peut sentir que si on le sait, et dès qu’on ignore qu’on sent, c’est qu’on ne sent pas. Pris ainsi dans son acception grammaticale, le mot sensibilité veut dire sensibilité consciente, et il ne saurait y avoir de sensibilité inconsciente. Cela est incontestable.

Toutefois, ce n’est pas une absurdité que de dire qu’il y a des sensations inconscientes, et une sensibilité inconsciente. Au contraire, cette expression est nécessaire pour exprimer tout un ordre de faits qu’elle traduit avec une précision singulière. Voici, par exemple, une grenouille intacte : on lui presse la patte, c’est un fait de sensibilité ; la fonction sensibilité ne comprend pas seulement la conscience de cette excitation, elle comprend tout ce qui a servi à la provoquer, excitation de la peau touchée, transmission par le nerf, transmission par la moelle épinière, réception dans le cerveau et finalement conscience. Que si par une mutilation on enlève l’encéphale de cette grenouille, et qu’on continue à lui presser la patte, vraisemblablement la conscience aura disparu, il n’y aura plus de sensibilité consciente. Pourtant l’excitation de la peau, la transmission par le nerf, la transmission par la moelle, seront restées absolument dans les mêmes conditions que précédemment, et comme nous avions