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loppement antérieur de la philosophie grecque et même en partie avec l’esprit grec ? Ne faut-il pas reconnaître ici l’esprit oriental et le contact d’une religion nouvelle ? Il y a là des caractères autrement tranchés et importants que la tendance pratique commune avec le stoïcisme et l’épicuréisme.

Nous ne discuterons pas les formules dont il se sert pour caractériser les trois époques : 1° dogmatisme physique, 2° philosophie du concept, 3° subjectivité abstraite. On trouverait peut-être qu’elles rappellent un peu le formalisme hégélien, dont le savant historien se croyait avoir secoué le joug et s’être tout à fait débarrassé. Mais ce que nous ne pouvons lui accorder, c’est que les néoplatoniciens aient eu, comme il le dit (p. 166), la même attitude à l’égard de la science que les autres écoles postérieures à Aristote, que le stoïcisme, l’épicuréisme, les sceptiques, etc. Est-il vrai aussi que la « métaphysique néoplatonicienne elle aussi soit plus voisine de ces systèmes qu’on ne le croit d’abord ? » La transcendance, l’intuition, la contemplation, sont-ce là des procédés communs avec ces écoles ? Que le scepticisme ait provoqué cette direction, cela n’est vrai qu’en partie ; mais n’est-ce pas plutôt le génie grec en contact avec l’Orient et avec les religions ?

La première partie, dont cette traduction ne nous donne que la moitié, comprend la philosophie antèsocratique. Ici encore se présente une question très-difficile et très-délicate à résoudre, celle de la marche et de la succession des systèmes de cette première période. Chaque historien a ici sa division ; la divergence éclate quand il s’agit de classer ces écoles et ces systèmes, d’établir leurs rapports et leurs affinités. M. Zeller n’admet aucune des divisions de ses devanciers en mécanistes et dynamistes, réalistes et idéalistes, etc. Il adopte une division particulière, qui est celle-ci. Il range dans une première période les anciens Ioniens, les Pythagoriciens et les Éléates, dans une seconde période les Physiciens du ve siècle et la Sophistique. Cette division est-elle à l’abri des objections ? Les ioniens doivent-ils être dans la même catégorie que les pythagoriciens et les éléates ? Nous craignons que les raisons que donne M. Zeller ne satisfassent pas tout le monde. Nous ne pouvons ici les examiner. En tout cas, nous croyons que, pour cette première époque, le classement des systèmes laissera toujours beaucoup à désirer. La confusion est inévitable dans tout ce qui commence. Les éléments de la pensée y sont encore indistincts ; il est difficile de les définir nettement et de les démêler. Ce point d’histoire de la philosophie, où les sources elles-mêmes sont si rares et souvent si peu certaines, laissera toujours beaucoup le champ libre à la conjecture.

Nous n’avons fait connaître, dans ce qui précède, que la charpente de ce livre. Nous devions nous y attacher, à cause de son caractère même et de son but que le titre indique : le développement (Entwickelung) de la philosophie des Grecs. C’est l’œuvre d’un philosophe, non simplement d’un historien. La partie systématique y a donc une grande importance. Mais, on la jugerait mal et l’on s’en ferait une très-fausse