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Parmi les peuples qui forment des sociétés simples et qui ne pratiquent les mutilations en aucune façon ou que d’une manière très-légère, nous trouvons onze peuples appartenant à des races sans lien entre elles : les Fuégiens, les Veddahs, les Andamènes, les Dayaks, les Todas, les Gondhs, les Santals, les Bodos et les Dhimals, les Michmis, les Kamtchadales et les Indiens Serpents ; et ces peuples ont pour caractère de n’avoir pas de chef ou de ne reconnaître que d’une manière irrégulière l’autorité d’un chef. Par contre, nous ne trouvons dans la classe des sociétés composées que deux peuples chez qui l’usage des mutilations n’existe que peu ou point : ce sont les Kirguizes, qui mènent une vie nomade, condition qui rend la subordination difficile, et les Iroquois, qui ont un gouvernement de forme républicaine. Parmi celles qui pratiquent des mutilations sous une forme modérée, les sociétés simples sont relativement peu moins nombreuses ; dans une classe, on en compte dix : les Tasmaniens, les insulaires de Tanna, ceux de la Nouvelle-Guinée, les Karens, les Nagas, les Ostyaks, les Esquimaux, les Ghinouks, les Comanches, les Ghippeways ; mais, dans l’autre, il y en a cinq : les naturels de la Nouvelle-Zélande, les Africains orientaux, les Konds, les Koukis, les Kalmoucks. Encore faut-il remarquer que chez les uns l’autorité simple, et chez les autres l’autorité composée, est instable. Quand on passe aux sociétés où se pratiquent des mutilations plus cruelles, nous trouvons ces relations retournées. Parmi les sociétés simples, je n’en peux nommer que trois : les naturels de la Nouvelle-Calédonie, chez qui, pourtant, les mutilations cruelles ne sont pas d’un usage général ; les Boschimans, qui passent pour un peuple déchu d’un état social supérieur, et les Australiens, également déchus, selon nous. Mais, parmi les sociétés composées, il en est vingt et une : les Fidjiens, les Hawaïens, les Tahitiens, les Tongans, les Samoans, les Javanais, les Sumatrans, les Malgaches, les Hottentots, les Daroaras, les Béchuanas, les Cafres, les naturels du Congo, les nègres de la côte, les nègres de l’intérieur, ceux du Dahomey, les Achantis, les Fulahs d’Abyssinie, les Arabes et les Dacotahs. Comme la consolidation sociale est l’effet ordinaire de la conquête, et que les sociétés composées et doublement composées sont, durant les premières périodes de leur histoire, militantes à la fois par leur activité et par leur structure, il en résulte que la relation entre la coutume des mutilations et l’importance de la société est indirecte, tandis que celle qui unit cette coutume au type est directe. Les faits le prouvent. Si nous mettons côte à côte ces sociétés, qui sont le plus différentes au point de vue de la pratique de la mutilation, nous croyons que ce