Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
292
revue philosophique

on lui coupait toujours les cheveux ; c’était un acte solennel qui accompagnait les cérémonies religieuses. On offrait d’abord une libation à Hercule… et, la chevelure coupée, on la consacrait à quelque divinité, ordinairement à quelque dieu des eaux. Chez les Romains, il était aussi d’usage, quand on se faisait raser pour la première fois, a de consacrer à quelque dieu le poil coupé en cette occasion. »

Le sacrifice de la chevelure était aussi chez les Hébreux un acte de culte. On nous parle de quatre-vingts hommes qui « se rasèrent la barbe, déchirèrent leurs habits, se mutilèrent, et, prenant des offrandes et de l’encens, les portèrent à la maison du Seigneur. » Krehl rapporte plusieurs faits analogues touchant les Arabes.

On trouve au Pérou des modifications curieuses de cet usage. On ne cessait de faire de petits sacrifices de cheveux. « Une autre offrande, écrit Acosta, consiste à s’arracher les cils et les poils des sourcils et à les présenter au soleil, aux collines, aux vents, enfin à tout objet qui inspire de la crainte. » — « En entrant dans les temples, ou après y avoir pénétré, les Péruviens portent la main à leurs sourcils, comme s’ils voulaient en arracher les poils, et ensuite ils faisaient le mouvement de les souffler vers l’idole : » exemple excellent de l’abréviation qu’on fait d’ordinaire subir aux cérémonies. Enfin, lorsque, en face d’une calamité nationale, il faut tout tenter pour gagner la faveur d’un dieu, on voit le souverain même sacrifier sa chevelure. Pendant une éruption du grand volcan d’Abawaü, nulle offrande n’ayant pu apaiser la colère des dieux, « le roi Tamchameha coupa une partie de sa chevelure, que l’on regardait comme sacrée, et la jeta dans le torrent (de lave), comme le sacrifice le plus précieux qu’il pût faire. »

Il nous reste à montrer que ce genre de sacrifice devient dans certains cas un acte de propitiation sociale. Les Tahitiens prêtaient des tresses faites de leurs propres cheveux pour marquer leur considération. En France, au ve et au vie siècle, il était d’usage de s’arracher quelques poils de barbe en s’approchant d’un supérieur et de les lui offrir ; et, de temps en temps, cet usage était adopté par un souverain comme marque de condescendance ; par exemple, l’on vit Clovis, heureux de recevoir la visite de l’archevêque de Toulouse, lui donner un poil de sa barbe, et les gens de sa suite l’imitèrent. Plus tard, le sens de l’usage devint obscur, grâce à l’abréviation de la cérémonie : aux temps de la chevalerie, une façon de témoigner du respect à quelqu’un consistait à se tirer la moustache.

Déjà, en parlant des trophées, nous avons remarqué que les trophées phalliques, grands et petits, avaient la même signification que