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herbert spencer. — études de sociologie

mains sur leurs cuisses. » Les Balondas battent des mains et aussi « quand ils saluent ils tambourinent sur leurs côtes avec leurs coudes. » Sur la côte de Guinée et au Dahomey, une des manières de saluer consiste à faire claquer ses doigts. Les mouvements rhythmiques des muscles des bras et des mains pour exprimer le plaisir, réel ou simulé, en présence d’une autre personne, ne sont pas les seuls mouvements qui servent de salutation ; les jambes se mettent aussi de la partie. Souvent les enfants « sautent de joie, » et l’on peut voir de temps en temps les adultes faire la même chose. Par conséquent, les mouvements du saut sont susceptibles de devenir des compliments. Au Loango « beaucoup de membres de la noblesse saluent le roi en sautant à grandes enjambées en arrière et en avant deux ou trois fois, et en balançant leurs bras. » Les Fuégiens eux-mêmes, nous disent les narrateurs du voyage d’Exploration du capitaine Wilkes (U. S. Expl. Exped.), témoignent leurs bons sentiments « en sautant[1]. »

Le sentiment, en se déchargeant, fait contracter les muscles des organes vocaux ; aussi, en même temps que les mouvements du corps qui signifient le plaisir, y a-t-il une émission de sons, d’autant plus bruyante que le plaisir est plus grand. C’est pour cela que les cris, signes de joie en général, indiquent la joie que fait éprouver la rencontre d’une personne chérie, et servent à donner l’apparence de la joie en présence de la personne dont on recherche la bonne volonté. Chez les Fidjiens, le respect a pour « signe le tama, cri de vénération que les inférieurs émettent quand ils s’approchent d’un chef ou de la capitale. » Nous avons vu qu’en Australie, on est obligé, quand on approche de moins d’un mille d’un campement, de pousser de bruyants couis, action qui, après avoir indiqué en premier lieu le plaisir de la réunion, a plus tard signifié des intentions amicales qu’on rendrait plus que douteuses en s’approchant secrètement.

On peut mentionner encore un exemple. Les larmes sont un effet de sentiments profonds, le plus souvent pénibles, mais quelquefois aussi de sentiments agréables poussés à l’extrême. Par suite, les

  1. Dans son ouvrage intitulé : Early History of Mankind (2e édit., p. 51-52), M. Tylor parle de ces observances de la manière suivante. « La classe inférieure de salutations, celles qui n’ont pour effet que de donner des sensations agréables, rentrent dans le genre de civilités que nous voyons certains animaux échanger entre eux. Telles sont les petites tapes, les caresses avec les mains, les baisers, la pression du nez, l’insufflation, le reniflement, etc. Des gestes qui sont des expressions naturelles de joie, le battement des mains par exemple en Afrique, et les sauts à la Terre-de-Feu, tiennent lieu de signes d’amitié et de salutations. » Mais M. Tylor n’indique pas l’origine physio-psychologique de ces actions.