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correspondance

brale, est-ce nier l’une et l’autre ? Signaler les difficultés et les conditions des recherches psycho-physiologiques, est-ce condamner et ces recherches et les découvertes qui résistent à la discussion ?

Encore un mot. Bien que, dans le travail attaqué, je n’aie pas cherché l’originalité, — j’ai tâché au contraire de rester sur le terrain du sens commun et en accord avec les philosophes les moins rétrogrades, — j’accepte pleine et entière la responsabilité de l’enchaînement des idées et de la forme que je leur ai donnée. Les psychologues et physiologistes étrangers au point de vue desquels je me suis rattaché n’admettraient peut-être pas tel ou tel point de la série des déductions que j’ai cru pouvoir tirer logiquement d’un principe qui paraît généralement accepté parmi eux. Quant à ce principe même, qui est l’irréductibilté des phénomènes internes et externes, ou le dualisme fondamental de l’expérience, je le trouve, avec des nuances qu’il serait intéressant d’étudier, — mais le moment serait mal choisi pour un semblable examen, — chez Bain[1], Herbert Spencer, Lewes[2], Carpenter[3], Tyndall[4], Huxley[5], Du Bois Reymond[6], Cyon[7], Delbœuf, Taine[8], auteurs peu suspects à l’école expérimentale. À l’abri de ces noms respectés, j’oserai ajouter ceux d’un psychologue métaphysicien, Albert Lemoine, et d’un logicien, Renouvier. — J’aimerais à pouvoir y joindre celui de M. Claude Bernard ; malheureusement, je n’ai pu réussir à trouver dans ses écrits une doctrine claire et homogène sur la question qui nous occupe. Le passage de son discours de réception à l’Académie française (1869)[9], où l’irréductibilité est affirmée, au moins au point de vue de la théorie de l’évolution, me paraît difficile à concilier avec l’esprit de son article de la Revue des Deux-Mondes sur Les fonctions du cerveau (15 mars 1872) et même avec la doctrine mixte et d’apparence vitaliste, au fond téléologique, contenue dans les notes 55 et 216 du Rapport sur les progrès de la physiologie (1867)[10].

Quand vous m’avez annoncé, mon cher Directeur, avec votre obligeance et votre loyauté habituelles, que mon article de la Revue des

  1. Voir surtout l’Esprit et le Corps, ch. vi, et le passage cité dans Ribot Psychologie anglaise, p. 283 (2e édition).
  2. Voir Ribot, ouvr. cité, p. 384, 401-404.
  3. Id., p. 416.
  4. Les Forces physiques et la Pensée (Revue des cours scientifiques, 5 décembre 1868), et discours de Belfast (analysé par Réville, Revue des Deux-Mondes, 15 mars 1875, p. 304).
  5. Sermons laïques, Sur le Discours de la méthode.
  6. Les Bornes de la philosophie naturelle (Revue scientifique, 10 octobre 1874).
  7. Le Cœur et le Cerveau (Revue scientifique, 22 nov. 1873).
  8. L’Intelligence, t. I, p. 350-372, et Revue philosophique, janv. 1877.
  9. Mémoire sur la spiritualité de l’âme, très-remarquable et trop peu connu (Comptes rendus de l’Académie des sciences morales et politiques, avril 1868).
  10. Voir sur Cl. Bernard, psychologue, Durand (de Gros), Ontologie et psychologie physiologiques, études critiques (G. Baillière, 1871), p. 162 sqq. À notre avis, l’auteur dépasse le but ; mais il faut reconnaître que plusieurs de ses critiques sont fondées.