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trouver ces deux nombres. On représentera la somme et la différence données par des lettres, s et d, et répétant sur ces lettres les mêmes raisonnements qu’on a faits sur des nombres on arrivera aux valeurs :

C’est cette généralisation qui constitue proprement l’algèbre. Le sens de la formule (2) est d’ailleurs très-clair : les lettres s et d représentent des nombres; les signes +, — , etc., indiquent des opérations arithmétique d’addition, de soustraction, etc., à exécuter sur ces nombres.

Tel est le sens de la définition vulgaire de l’algèbre. Suivant M. Mouchot, le grand mérite de Descartes consiste à avoir remplacé cette conception un peu superficielle par une conception nouvelle qui devait amener dans les mathématiques toute une révolution.

Considérons maintenant le problème que voici : soient données deux droites limitées s et d, on demande de trouver deux autres droites telles que leur somme soit égale à s et leur différence égale à d.

Il semble tout d’abord que ce soit encore le même problème sous une nouvelle forme ; c’est une pure illusion. En réalité, les mots ont changé de sens. Quand on parle de nombres les mots somme, différence, désignent les résultats qu’on obtient quand on exécute sur des nombres les opérations arithmétiques d’addition et de soustraction ; les signes + et - indiquent ces mêmes opérations ; quand on parle de droites les mots somme et différence désignent les résultats qu’on obtient quand on exécute sur des droites les constructions géométriques d’addition et de soustraction ; les signes + et - indiquent ces mêmes constructions. Supposons qu’un raisonnement convenable nous amène à conclure que les deux inconnues x et y sont données par les formules :

Ces formules sont pour la forme identiques aux formules (2), mais leur signification est toute différente. La formule (2) signifie que pour trouver le nombre x il faut ajouter les deux nombres s et d et diviser par 2 le nombre obtenu. La formule (3) signifie que pour trouver la ligne x il faut construire une ligne égale à la somme des lignes s et d, puis partager cette ligne en deux parties égales. C’est cette seconde manière de concevoir l’algèbre qui est, suivant M. Mouchot, la vraie conception cartésienne. Pour Descartes l’algèbre n’est plus une sorte d’arithmétique généralisée dont les symboles représentent des nombres ou des rapports de nombres ou des opérations à effectuer sur les nombres ; c’est un algorithme, une langue dont les symboles représentent des