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analyses. — froschammer. Die Phantasie, etc.

d’images et d’idées. Le sentiment, c’est donc l’aperception immédiate de l’âme par elle-même. C’est assez dire que cette faculté n’est pas distincte de l’imagination, puisque la conscience d’abord et en second lieu l’organisme psychique, qui se forme de l’ensemble des faits conscients, n’existent pas en dehors d’elle. Les faits nous donnent des preuves nouvelles de cette identité de nature. Est-ce que l’amour existe sans la puissance d’idéaliser, de se créer des chimères ? Est-ce que nos émotions les plus vives ne naissent pas de la beauté dans la nature et dans l’art, et la beauté n’est-elle pas une harmonie d’images ? La puissance qui sculpte les formes, rêve le dessin de leurs lignes, dispose leurs teintes en accord et à tout ce charme visible donne pour accompagnement la musique des sons, cette puissance devient le sentiment, quand dans une âme elle s’arrête à la jouissance de son œuvre, quand elle se contemple ainsi elle-même et en elle-même l’image de ses propres créations.

L’activité de l’entendement consiste dans l’effort pour découvrir les vérités universelles et les lois nécessaires, pour faire de ces vérités et de ces lois comme la substance de l’esprit. Cette œuvre n’est possible que si dans son être intime l’entendement est au moins en puissance l’ensemble de ces lois, qui en lui ont pris la réalité et la vie et se sont comme organisées en une faculté consciente. « L’entendement, c’est donc une force une et vivante où les lois qui dominent l’être et ses phénomènes sont saisies dans leur réalisation concrète, connues dans leur nécessité, dans leur légitimité, par une puissance non distincte d’elles, qui s’est élevée de l’objectivité et de l’inconscience à la subjectivité et à la conscience. » Traduisons : La matière a ses lois ; l’esprit intérieur, qui anime la matière, a les siennes : ce sont les lois éternelles, auxquelles doit se soumettre toute réalité. Pour que la réalité soit vraiment connue, il faut donc que ces lois soient connues dans leur universalité, dans leur nécessité ; c’est trop peu pour cela de l’expérience, qui donne ce qui est, ce qui a été, non ce qui sera, moins encore ce qui doit être ; il faut que ces lois soient l’entendement même, que non-seulement elles lui soient innées, mais encore qu’elles le constituent, qu’elles soient toute sa réalité. Qu’est-ce donc que l’entendement humain ? Ce sont les lois universellement obéies de la matière et de l’imagination objective se percevant elles-mêmes dans une faculté consciente de notre âme.

Comme les sens saisissent d’une vue directe les choses sensibles, la raison, sorte de sens supérieur, perçoit l’idéal ; comme la perception extérieure suppose la sensation, la perception de l’idéal suppose un sentiment de l’âme. C’est au plaisir que nous éprouvons en sa présence que nous discernons la beauté. Comme les sens ont une activité, créent les sons et la couleur, ainsi la raison non-seulement connaît, mais encore crée l’idéal. Il semble que pour expliquer cette faculté de l’idéal, l’auteur n’ait qu’à y montrer la puissance créatrice des formes dans la nature devenue puissance subjective, consciente,