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« L’Atman, ajoute l’Upanishad, eut cette pensée : « Puisque ces mondes (sont créés), il faut maintenant leur créer des gardiens. » Ayant pris de l’eau, il en forma un homme.

« Il échauffa cet homme ; quand il fut échauffé, sa bouche se fendit comme un œuf (d’où éclôt un oiseau) ; de sa bouche sortit la parole, et de la parole sortit Agni (le feu personnifié et divinisé ou symbolisé). Les narines se fendirent ; de ses narines sortit le prâna (le souffle vital), et du prâna sortit Vâyu (l’air). Les yeux se fendirent ; de ses yeux sortit la vue, et de la vue sortit le Soleil. Les oreilles se fendirent ; de ses oreilles sortit l’ouïe, et de l’ouïe sortirent les Points cardinaux. La peau se fendit ; de sa peau sortirent les poils, et des poils sortirent les Plantes et les Arbres. Son cœur se fendit ; de son cœur sortit le manas (l’organe de la pensée), et du manas sortit la Lune. Son nombril se fendit ; de son nombril sortit l’apâna (une sorte d’esprit vital), et de l’apâna sortit la Mort. Son membre viril se fendit ; de son membre viril sortit la semence, et de la semence sortirent des Eaux. »

Quand l’Atman eut créé ces divinités, c’est-à-dire Agni, Vâyu, le Soleil, etc., elles tombèrent, dit l’Upanishad, dans le grand Océan, dans l’ensemble agité des choses matérielles. Elles eurent faim et soif, et elles dirent à l’Atman : « Crée-nous un réceptacle dans lequel nous aurons notre résidence et où nous mangerons la nourriture[1]. »

« L’Atman leur amena une vache. Les divinités lui dirent : « Cette vache ne nous suffit pas. » Il leur amena un cheval. Elles lui dirent : « Ce cheval ne nous suffit pas. »

« Il leur amena un homme. Elles lui dirent : « C’est bien ; l’homme est bien. » L’Atman leur dit : « Entrez en lui comme en votre résidence (ou chacun dans le lieu qui vous convient comme résidence). »

« Agni, devenu la parole, entra dans la bouche (de cet homme) ; Vâyu, devenu le prâna, entra dans ses narines ; le Soleil, devenu la vue, entra dans ses yeux ; les Points cardinaux, devenus l’ouïe, entrèrent dans ses oreilles ; les Plantes et les Arbres, devenus les poils, entrèrent dans sa peau ; la Lune, devenue le manas, entra dans son cœur ; la Mort, devenue l’apâna, entra dans son nombril ; les Eaux, devenues la semence, entrèrent dans son membre viril. »

Mais la faim et la soif tourmentent les divinités devenues les sens et les facultés principales du nouvel homme. L’Atman veut les satisfaire et crée la nourriture.

  1. Tâ enam abruvann âyatanam nah prajânîhi yasmin pratishthitâ annam adâmeti.