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delbœuf. — la loi psychophysique

chaleur donné à l’eau du vase, de sorte que la sensation résultant de l’inégalité de température entre la main et cette eau tend à s’annuler à mesure que l’équilibre se rétablit, et devient nulle tout à fait quand la main et l’eau ont la même température. C’est là le fait de la dégradation de la sensation, phénomène analogue à la déperdition de calorique subie par un corps chaud dans un milieu plus froid.

Reste la troisième loi. On ne peut pas augmenter indéfiniment la température de l’eau dans laquelle la main se plonge. Il arrive un moment où à la sensation caractérisée de chaud succède le sentiment d’une douleur de plus en plus vive. En réalité, on éprouve déjà un léger malaise quand la température du vase dépasse même d’assez peu la température normale de la peau ; et, au fur et à mesure qu’elle s’écarte davantage de cette température normale, la sensibilité résiste, le jugement est moins facile à faire ; de sorte que la proportionnalité idéale dont nous avons parlé tantôt ne se manifeste pas dans toute sa pureté, et que la différence doit être, en général, de plus en plus forte pour que les effets de contraste continuent à être jugés égaux. Je dis jugés, avec intention, parce qu’il arrive un moment où la douleur enlève la faculté du jugement. C’est là ce qu’on peut appeler le phénomène de l’altération de la sensation ; et, comme il se révèle surtout quand on soumet la sensibilité à une action excessive qui pourrait aller jusqu’à la détruire, on peut lui donner le nom de phénomène de tension, par allusion aux ressorts tendus et exposés à se briser sous un trop grand effort.

Une dernière remarque. Nous avons imaginé que l’on élevait la température du vase et que l’on donnait ainsi à la peau des sensations de chaleur. On pouvait de même supposer un abaissement de température à partir de n’importe quel moment. On aurait, dans ce cas, produit des sensations de froid ; mais l’analyse est la même ; il faut seulement substituer un mot à un autre.

J’ai jusqu’à présent raisonné chaleur ; je vais maintenant parler lumière ; et ici j’aurai pour appui non plus des épreuves difficiles à réaliser, mais, au contraire, une série considérable d’expériences qu’il est très-facile d’organiser et qui sont à un très-haut point concluantes.

Nous l’avons déjà dit, si l’on produit une série de teintes tellement graduées que les contrastes entre deux degrés voisins paraissent sensiblement égaux, et que l’on mesure les éclats effectifs de ces teintes, on trouve qu’ils suivent une progression sensiblement géométrique. Tantôt, il sera parlé des écarts. Faisons seulement ressortir l’analogie complète de ce genre d’expérience avec celle qui a porté