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leur appartient pas exclusivement. Hérodote dit que les Scythes scalpaient leurs ennemis vaincus, et de nos jours les Nagas des montagnes de l’Hindoustan prennent des chevelures et les conservent.

L’usage de conserver les cheveux sans la peau, comme trophée, est moins général, parce que ce trophée ne donne de la victoire qu’une preuve insuffisante, puisqu’une tête pourrait fournir des cheveux pour deux trophées. Néanmoins, il y a des exemples où l’on voit la chevelure d’un ennemi présentée en preuve de succès à la guerre. Grange nous parle d’un Naga dont le bouclier « était couvert des cheveux des ennemis qu’il avait tués ». Catlin décrit la tunique d’un chef mandan : elle était, dit-il, « frangée de boucles de cheveux coupés de sa main sur la tête de ses ennemis. » On nous rapporte que, chez les Cochimis, « les sorciers portaient de longues robes de peau, ornées de cheveux d’hommes…, à certaines de leurs fêtes. »

Au nombre des parties que l’on peut rapporter aisément chez soi pour prouver sa victoire, nous pouvons citer ensuite les mains et les pieds. Les tribus mexicaines, Ceris et Opatas, « scalpent les ennemis morts, leur coupent une main et dansent autour des trophées sur le champ de bataille. » Il en est de même des Indiens de la Californie, qui prennent aussi les chevelures ; on nous dit qu’ils « ont la coutume encore plus barbare de couper les mains de leurs ennemis, leurs pieds ou leur tête, en guise de trophée. Ils arrachaient même et conservaient avec soin les yeux des ennemis tués. j> Bien qu’on ne le dise pas, nous pouvons supposer que l’on se bornait à prendre pour trophée la main ou le pied du côté droit ou du gauche, puisque, faute de ce moyen de vérification, il eût été facile de se vanter d’avoir vaincu deux ennemis au lieu d’un seul. Les mains servaient de trophées chez les peuples de l’antiquité eux-mêmes. On lit sur une tombe à El Kab, dans la haute Égypte, une inscription où il est raconté comment Aahmès, fils d’Abuna, chef des timoniers, « quand il avait conquis une main (dans une bataille), recevait du roi des éloges et un collier d’or en témoignage de sa bravoure. » Une peinture murale du temple de Medinet-Abou, à Thèbes, représente un roi à qui l’on offre un monceau de mains.

Ce dernier fait nous sert de transition pour passer à un autre genre de trophée. Avec le tas de mains déposées ainsi devant le roi, on voit aussi un tas de phallus. Une inscription explicative raconte la victoire de Menephtah sur les Libyens : on y lit qu’il a « coupé les mains à tous leurs auxiliaires » et les a rapportées sur des ânes à la suite de l’armée victorieuse ; puis elle mentionne les autres trophées,