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ANALYSEShermann. — Woher und Wohin ?.

pas renoncé à parler des arts et ne pas s’être borné à l’analyse des émotions esthétiques ?

Cette analyse suffirait à donner la meilleure opinion du talent de l’auteur. Nos réserves et les desiderata que nous avons signalés ne nous font point méconnaître le mérite de l’ouvrage. Il est la première tentative systématique pour donner accès à la science sur un terrain qui lui était fermé jusqu’à ce jour, et qui, en dehors des recherches de la physique, n’était exploré que par les excursions hardies mais parfois aventureuses des esthéticiens à priori.

Z.

Ernest Hermann. Woher und Wohin ? S chopenhauer’s Antwort auf die letzten Lebensfragen, etc. (D’où et vers où ? réponse de Schopenhauer aux derniers problèmes de la vie, résumée et complétée). Bonn, E. Strauss, 1877, 45 pages.

On ne trouvera dans cette brochure, dont le titre fait mirage ni une conversation de Schopenhauer sur la destinée humaine, ni un fragment inédit de son œuvre philosophique : c’est bien M. E. Hermann qui, sous le patronage de ce nom retentissant, nous livre ses vues personnelles touchant la question. L’auteur nous apprend que Schopenhauer a été son guide, son « étoile polaire » au cours de ses recherches, mais qu’il a su, disciple indépendant, arriver au terme sans secours étranger. A-t-il réussi, comme il l’annonce, à parfaire la pensée du maître ? On en jugera tout à l’heure.

Son ouvrage est, ou plutôt veut être un exposé des fondements de la morale d’après les données les plus élémentaires de l’expérience et de l’observation positive, une sorte de Mémento philosophique à l’usage de ceux qui n’ont pas le loisir de suivre les discussions ardues des métaphysiciens sur l’origine du devoir et la nature du bien. Les moralistes les plus autorisés, en effet, quand ils entreprennent de construire la science pratique du devoir, prennent pour point de départ le fait de la personnalité humaine douée de raison et de libre arbitre ; et ils réclament comme conséquences de la loi intérieure du bien, l’immortalité de l’individu ainsi que l’existence d’un Justicier suprême. Autant de postulats dont on dispute. M. E. Hermann se propose, indépendamment de ces trois affirmations d’ordre métaphysique, de déterminer scientifiquement les obligations morales de l’homme. Étudions avec une entière impartialité les arguments qu’il invoque à l’appui de cette cause difficile.

I. Qu’est-ce que l’homme d’abord, et d’où part-il ? Woher ? Inutile de faire une étude préalable de l’âme humaine et de ses facultés : il est plus simple et plus concluant de se placer au point de vue objectif et expérimental, en rapprochant l’espèce humaine avec ses conditions nécessaires d’existence des autres espèces vivantes et de leurs conditions d’existence. Or il y a deux lois fondamentales qui embrassent à la fois les manifestations de l’activité individuelle et le processus même des espèces organiques : 1° Tout être organisé est doué à l’égard du monde environnant d’une excitabilité proportionnée au besoin qu’il a de se