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précis de la vie d’un peuple, de grands hommes et de grandes œuvres. — De même, s’il s’agit d’expliquer pourquoi une nation, l’Angleterre par exemple, n’a eu ni peinture ni sculpture nationales, faut-il en déduire laborieusement les causes de son histoire tout entière, des circonstances au milieu desquelles elle s’est développée, des traits distinctifs de son caractère et de son génie, ou se contenter de dire simplement, sans remonter au delà, que les grands peintres et les sculpteurs lui ont fait défaut ? — Nous n’irons pas cependant jusqu’à nier les lois générales de l’histoire ; nous pensons seulement qu’elles sont extrêmement complexes, que la part de la liberté et de la spontanéité individuelles est considérable, et que jusqu’à nouvel ordre toute tentative pour arriver en ces matières aux précisions et aux détails risque fort d’être chimérique.

Nous sommes obligé, pour ne pas allonger outre mesure les dimensions de ce compte-rendu, de passer rapidement sur les deux dernières parties. — Le quatrième livre a pour objet le travail et les richesses. L’auteur y signale avec force l’erreur où tombent d’ordinaire les économistes en négligeant d’envisager la question du travail au point de vue historique, et en faisant abstraction de toutes les grandes données de la vie des peuples. Dans de courts et substantiels chapitres, il examine les principaux problèmes de la science économique, les effets de la division du travail, la solidarité intime de la richesse et de la misère » la valeur, le capital, la salaire, la libre concurrence et la protection, le principe de population, et enfin cette grande question sociale qui se dresse aujourd’hui plus redoutable que jamais. De cet examen, l’auteur fait ressortir cette conclusion générale que, pour qu’une nation atteigne son plein développement, il faut qu’il y ait harmonie entre ses progrès intellectuels, ses progrès industriels et ses progrès moraux. Quant à la question sociale, la seule solution possible est dans un accroissement de lumière et de moralité des classes dirigeantes. « Du moment que ces classes étudieraient sérieusement les affaires, négligeraient les mauvaises, malgré les promesses de gain, rechercheraient les bonnes, malgré les bénéfices médiocres ; du moment qu’elles s’intéresseraient aux ouvriers comme à leurs semblables et non comme à des machines ; qu’elles favoriseraient les bons, feraient justice des mauvais, rendraient leur travail plus varié et leur salaire plus stable ; du moment enfin qu’elles ne donneraient plus l’exemple du luxe et de la paresse, des plaisirs et de la dépravation, la question sociale serait résolue, et la facilité que rencontrent les ambitieux et les déclassés pour soulever les classes pauvres s’évanouirait comme une épidémie après la disparition des miasmes… Il faut que les classes qui se prétendent morales se moralisent, que les classes qui se prétendent instruites s’instruisent ; c’est la dernière et l’unique solution de la question sociale. »

Enfin, dans le cinquième livre, M. Funck Brentano traite de la paix et de la guerre. Il s’attache à démontrer que la guerre est une condition nécessaire du développement des nations ; qu’elle suit naturellement de