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puisqu’il est et sera longtemps encore impossible de porter à cet égard un jugement équitable, prenons tels qu’ils s’offrent et étudions en eux-mêmes ces chapitres si intéressants consacrés aux données de la sociologie. L’auteur, avons-nous dit, se borne à l’étude de ce qu’il appelle les facteurs primitifs ou originels, « communs à tous les phénomènes sociaux en général, et plus faciles à distinguer dans les sociétés les plus simples. » Voyons donc ce que va nous apprendre cette recherche, et surtout, de quelle manière elle est conduite.

Ces facteurs primitifs de l’évolution sociale sont, comme on vient de le voir, lº extrinsèques, 2 º intrinsèques.

I. — Que la nature du milieu contribue, avec la nature des êtres humains, à déterminer les phénomènes sociaux, cela est presque évident à première vue : et que cette influence du milieu et des conditions physiques se fasse beaucoup plus fortement sentir dans les premières phases de l’évolution sociale que dans les phases ultérieures, c’est ce qu’il est encore facile de comprendre. Ces deux vérités sont fortement établies par les faits nombreux que rapporte M. Spencer. Il attache une importance particulière à cette remarque incontestable, que les sociétés faibles et à peine organisées sont, beaucoup plus que les sociétés riches, puissantes et bien ordonnées, à la merci de leur milieu physique. « Car s’il en est ainsi chez les types sociaux inférieurs actuellement existants, à plus forte raison devait-il en être de même chez les types encore moins développés qui les ont précédés ; » et ainsi, dit-il, se trouve levée une des principales objections opposées à la doctrine générale de l’évolution. Il devient facile, en effet, de répondre à ceux qui demandent, par exemple, pourquoi tant de tribus sauvages n’ont fait aucun progrès depuis l’origine des temps historiques et pourquoi l’humanité a existé si longtemps sans aucune trace de civilisation. « Quand on considère la liste des facteurs extrinsèques du développement social, et que l’on voit combien sont rares et la réunion des conditions favorables à ce développement, et l’absence des conditions qui le contrarient ; quand on songe combien de temps doivent demander les plus légers perfectionnements, alors que l’homme n’ayant, pour triompher des difficultés qui l’entourent, que des ressources minimes et grossières et une provision de connaissances presque nulle, soupçonne à peine la puissance de la coopération ; quand on réfléchit que ces mêmes sociétés primitives, si dénuées, étaient par cela même exposées à perdre, au moindre changement défavorable survenu dans leurs conditions d’existence, les petits progrès si péniblement accomplis ; il devient aisé de comprendre pourquoi tant de siècles s’écoulèrent avant qu’aucune société n’atteignît un développement considérable. »

Quelles sont donc ces influences extérieures, ces conditions physiques desquelles dépend à ce point l’évolution sociale ?

M. Spencer ne prétend pas en faire l’énumération complète. D’abord, dit-il, il est constant, vu l’ancienneté de l’espèce humaine, que d’im-