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Riehl essaie, à son tour, de rendre compte. Et voici son hypothèse : « Les sensations tactiles et nerveuses combinées nous permettent bien de saisir les déterminations, qui sont communes au temps et à l’espace, la coexistence, le vide, la continuité, etc. » ; mais c’est à la sensation lumineuse, à la sensation du clair et de l’obscur, laquelle contient nécessairement deux dimensions, que nous devons la perception de l’extension (das Element des Aussereinander}. Nous craignons que l’hypothèse de Riehl paraisse peu concluante, surtout sous la forme extrêmement concise où il nous la présente.

Windelband: Sur les différentes phases de la théorie kantienne de la chose en soi.

Monographie très-étendue, très-riche de citations empruntées à la correspondance de Kant, où sont étudiées les quatre conceptions différentes auxquelles la pensée de Kant s’est successivement arrêtée sur la notion de la chose en soi. — Dans la dissertation inaugurale de 1770, Kant entend, à la façon de Leibnitz, la distinction du monde des phénomènes et de celui des choses en soi. — Dans la période de dix ans, qui précède et prépare la critique de la raison pure, il conçoit, comme il ressort surtout de la célèbre lettre à Marcus Herz du 21 février 1772, que les formes à priori de l’entendement ne peuvent pas plus être des déterminations de la chose en soi, que les formes pures de la sensibilité. Il ne nie pas alors l’existence des choses en soi : il ne croit pas qu’elles soient des objets de la connaissance. Cette conception domine encore la plupart des théories de la critique de la raison pure. La réalité des noumènes n’y est pas moins expressément affirmée dans la première édition que dans la deuxième. Schopenhauer a exagéré, sur ce point, la différence des deux premières éditions. — Mais dans le chapitre consacré à la distinction des phénomènes et des noumènes, Kant définit nettement la chose en soi comme un concept purement subjectif, comme un concept limitatif, auquel ne correspond aucune réalité en dehors de l’esprit. C’est là, selon Windelband, le point culminant de la pensée kantienne ; et encore voit-on qu’elle ne s’y tient qu’un moment. Kant ne s’est pas attaché à mettre la doctrine exposée dans ce chapitre d’accord avec les autres parties de la critique de la raison pure. — Du reste, dans la critique de la raison pratique, il revient en arrière, et se rapproche de la forme première et leibnizienne de sa doctrine sur le noumène. Seulement, à des déterminations théoriques, il substitue désormais des déterminations pratiques, et se borne à affirmer de la chose en soi ce que les postulats de la raison pratique imposent à la croyance.

Notre analyse ne donne qu’une idée très-insuffisante de l’abondance d’informations contenues dans la savante étude de Windelband.

E. Zeller : Réponse au professeur Fichte.

L’auteur se disculpe longuement, et souvent avec succès, des accusations lancées contre lui par Fichte, dans le récent ouvrage dont notre analyse des périodiques de mars dernier a rendu compte.