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vaux. J’ai dit le bien comme le mal et suis resté constamment en dehors des polémiques violentes. » C’est une bonne fortune pour ceux qui apportent en philosophie le même esprit de vérité, de trouver coudensées dans un ouvrage offrant de telles garanties toutes les connaissances scientifiques de notre époque relatives à l’homme.

Cet ouvrage est divisé en dix livres, traitant tour à tour de l’unité de l’espèce humaine, de son origine, de son antiquité, de son cantonnement primitif, du peuplement du globe, de l’acclimatation, de l’homme primitif et de la formation des races, des races humaines fossiles, des races humaines actuelles, des caractères physiques et psychologiques de l’espèce humaine.

L’auteur détermine d’abord l’objet et la méthode de l’antropologie, L’objet c’est l’espèce humaine, ou plutôt « le règne humain. » Car M. de Quatrefages, bien qu’aujourd’hui abandonné en cela par presque tous les naturalistes, persiste plus résolument que jamais à faire de l’homme non pas seulement un genre ou une famille à part dans le règne animal, mais un règne à part dans la création. Selon lui, de même que « l’empire inorganique » comprend deux règnes, le règne sidéral et le règne minéral ; a l’empire organique » en comprend trois : le règne végétal, le règne animal et le règne humain. Dans chacun de ces règnes on retrouve tous les phénomènes des règnes inférieurs, plus certains phénomènes nouveaux, irréductibles. Ainsi aux « phénomènes de mouvement képlérien » offerts par le règne sidéral, s’ajoutent dans le règne minéral les phénomènes physico-chimiques. Le règne végétal présente de même tous les phénomènes du règne minéral plus des « phénomènes vitaux » ; le règne animal présente tous les phénomènes du règne végétal, plus des « phénomènes de mouvement volontaire » ; le règne humain enfin ajoute à tous les phénomènes de tous les règnes précédents des « phénomènes de moralité et de religiosité. »

Malgré notre intention d’être très-sobre de critiques dans cet exposé d’un ouvrage spécial où nous avons tant à apprendre, il nous est impossible de ne pas faire sur ce point quelques réflexions. En un sens, assurément, ce n’est pas à nous qu’il appartient de trouver qu’on attache trop d’importance aux caractères moraux de l’espèce humaine : l’importance philosophique de ces caractères est presque impossible à exagérer. Mais nous sommes ici en anthropologie et plusieurs objections se présentent.

Les naturalistes d’abord en peuvent faire deux. — En premier lieu, beaucoup d’entre eux n’accordent pas que ces caractères moraux soient exclusivement propres à l’homme, au point de le séparer comme par un abime de tout le reste des animaux. On sait assez que pour toute une école, les plus hautes manifestations de l’activité humaine n’ont rien d’irréductible, ne diffèrent point en nature, mais en degré seulement, des opérations mentales de l’animal. — On peut répondre, direz-vous ? — Assurément ; mais enfin, c’est une question discutée, délicate :