de la logique et de la morale, intérêts on ne peut plus connexes, si l’on y réfléchit.
La liberté étant au fond de tout jugement réfléchi, il semble que sa première affirmation devrait être celle d’elle-même : logiquement, pour le philosophe, il en est bien ainsi ; mais, en fait, la liberté affirme ce que M. Renouvier appelle les thèses de la réalité, avant qu’elle songe à se dégager des croyances qu’elle constitue cependant, et à se formuler elle-même comme le fondement de toute foi rationnelle ou morale. Les Thèses de la réalité forment donc un premier ordre de certitude[1] qui comprend : 1° l’affirmation de l’identité personnelle ; 2° l’affirmation des êtres de l’expérience externe, représentés dans l’étendue et dans la durée et posés comme réels ou existants pour eux, indépendamment de la représentation particulière que nous en avons ; 3° l’affirmation que les êtres externes, qui sont nos semblables, ont des consciences comme nous, et que les autres êtres ont des fonctions analogues ; 4° l’affirmation d’une certaine conformité générale entre les lois du monde et celles que notre représentation leur applique par ses catégories. — Je crois qu’il y aurait ici bien des distinctions à faire, que M. Renouvier n’a pas faites, parce qu’il a accordé la même valeur à des catégories qui n’ont pas le même emploi, ainsi que je le lui ai reproché dans la première partie de cette étude. S il y a un premier ordre de certitude, n’est-ce point parce que certaines catégories sont des formes qui s’imposent à toute représentation, sans lesquelles la représentation ne serait pas, tandis que d’autres, au lieu de s’imposer, nous suggèrent seulement des inductions, puis des analogies, puis enfin de simples hypothèses ? Je me contente de faire cette observation : quant à vouloir discuter, affirmation par affirmation, toutes les thèses du réel et du probable, je ne le puis ; cela me conduirait beaucoup trop loin.
Je reviens aux rapports généraux de la certitude et de la liberté. C’est la liberté qui, avant de s’affirmer elle-même, affirme les thèses de la réalité : c’est d’elle ensuite que relèvent toutes les vérités pratiques et morales qui exigent beaucoup plus visiblement son intervention et que M. Renouvier réunit pour cette raison dans les certitudes du « second ordre.)> En résumé, c’est elle qui fait l’unité de la connaissance certaine, en embrassant et en dominant toutes les
- ↑ M. Renouvier distingue de la certitude l’apparence actuelle du phénomène immédiat. Identique avec la plus indéniable réalité, cette apparence est un critère accepté des pyrrhoniens eux-mêmes. Donc, dans cet ordre de faits, la question de la certitude ne se pose même pas ; elle ne se pose que sur le terrain des affirmations réfléchies, non sur celui des représentations particulières actuellement données.