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rait un pouvoir de pouvoir, un vouloir de vouloir, une force aveugle, et, par suite, une entité vide dont le vrai nom serait hasard ou miracle ; il ne posséderait aucune énergie propre ; il serait indifférent à toute rectitude de pensée et de conduite ; enfin, il ne serait ni une réalité représentative pour elle-même, ni quoi que ce soit de représentable pour nous. La volonté est, d’après M. Renouvier, une création spontanée, mais qui ne se produit et ne se maintient que sous des conditions de passion et de pensée : elle ne commence pas l’homme, elle le complète et l’achève. C’est une sorte d’efflorescence de la nature : mais, d’une part, cette floraison demande un terrain préparé où elle puisse éclore ; et, de l’autre, elle améliore, renouvelle et féconde le sol dont elle s’est emparée par droit de naissance. En d’autres termes, la volonté surgit des lois naturelles, les subit en partie, mais se les accommode aussi et se les subordonne, dans les limites du possible, parce qu’elle est elle-même une loi nouvelle, une loi dominatrice, qui, incapable de troubler l’harmonie universelle, est assez puissante pour y créer le règne de l’autonomie et de la moralité. Elle est le suprême épanouissement de l’activité représentative. Sans doute, il est difficile de comprendre que quelque chose se suscite spontanément. L’esprit humain est toujours troublé par l’idée d’un premier commencement : mais ici, il ne s’agit pas d’un commencement absolu ; des faits et des fonctions sont donnés : pourquoi ne serait-ce pas une loi de certaines fonctions, pour employer le langage de M. Renouvier, qu’elles puissent devenir aptes à se gouverner elles-mêmes et à exercer leur action sur quelques autres ?

Non-seulement il n’y a pas là d’impossibilité, mais rien ne nous paraît plus vraisemblable, lorsque nous rentrons dans notre conscience et que nous nous examinons sans parti-pris, sans système, avec les seules lumières de la raison commune. Il y a incontestablement des représentations qui nous paraissent « automotives et directrices, » par opposition à d’autres qui nous sont imposées : il y en a, il nous le semble bien du moins, de déterminantes et de déterminées. Or les déterminantes, celles que nous appelons volontaires, ont une singulière puissance, qui se manifeste, tout d’abord, par le caractère tout à fait original dont se revêt la conscience de l’homme, comparée à celle de l’animal. La relation des relations (considérées comme telles par un être qui, en comparant, se représente sa comparaison et fait acte d’abstraction et de généralisation), ne peut se comprendre sans un effort soutenu. « L’homme qui réfléchit doit se dire implicitement que ses opérations sont volontaires et agir en conséquence ; autrement, l’attention lui échappe et la réflexion