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l’Amour et l’Entendement répondent bien aux sentiments et aux idées, ramenés par la conversion des forces aux ondulations de la nébuleuse condensée qui est le soleil[1]. »

C’est à la même tendance, c’est à la même illusion que cèdent les naturalistes ou les philosophes qui essaient de confondre toutes les différences de genres et d’espèces dans un genre généralissime dont les espèces se tirent non par spécification inhérente, mais par causalité ou devenir au sein d’une substance première, déterminée à tout ce qui doit être. « Tous les systèmes panthéistes, monistes, matérialistes, substantialistes, quelque diversité qu’ils aient l’intention d’apporter dans ce qu’ils affirment de l’intelligible substance pour se distinguer les uns des autres, ne sont tous au fond que des prétentions à l’effacement de l’espèce. En allant à la racine des choses, l’unité ne se comprend pas sans la pluralité. La pluralité n’entre dans la science et même ne figure déjà dans les systèmes obscurs de la connaissance, qu’à la condition d’une classification quelconque des objets concrets qui la composent. Une classification est toujours une spécification plus ou moins nette. Ainsi, il est vrai de dire que le monde ne nous est compréhensible que grâce à l’espèce. Les religions, mais surtout les philosophies, par lesquelles s’est créée ou renforcée une tendance et s’est constituée une puissante habitude de tous les ordres des savants et de toutes les têtes méditatives, de viser à l’unité, à l’unité dernière et absolue, comme accomplissement du savoir et de l’être, ont eu pour œuvre inconsciente l’anéantissement des conditions mêmes de l’être et du connaître. C’est, pour ainsi parler, un virus métaphysique dont toutes les spéculations ont été infectées de bonne heure. Elles le sont encore, et les sciences mêmes, dont la limitation en tous sens devrait être le principe, n’en sont pas exemptes de nos jours autant qu’elles le furent en se fondant et en établissant les territoires définis de leurs investigations diverses[2]. »

Pour en rester sur ces derniers mots, est-il bien sûr que les sciences aient si philosophiquement délimité leurs domaines respectifs en se constituant, ou en essayant de se constituer ? N’est-ce pas plutôt par de longs tâtonnements qu’elles ont fini par reconnaître leurs vraies limites ? A part cette réserve, toute la page que je viens de citer me paraît irréprochable et l’auteur a parfaitement le droit de conclure qu’un spectateur du monde, désintéressé de tout système, comprendra que la fin des diversités est l’anéantissement de la connaissance et attachera une importance capitale à ce fait que

  1. Log. gén., III, 141, 142.
  2. Log. gén., III, 154 et sq.