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beurier. — philosophie de m. renouvier

découvertes qu’on n’entrevoit même point encore, mais dont on abuse par avance, essayent de confondre les phénomènes représentatifs avec la matière d’une science tout abstraite comme la dynamique, montrent seulement la prétention de tirer une chose d’une autre et du même le différent, en méconnaissant les idées de loi et d’harmonie qui suffisent à la science et que d’ailleurs il lui est impossible de dépasser quoi qu’on tente[1]. » Ainsi, supposons qu’on ait trouvé l’équivalent mécanique de la conscience, c’est-à-dire qu’on ait établi que telle quantité d’une force physico-chimique ou vitale, elle-même reconnue équivalente à une force mécanique, se trouve détruite ou produite au moment où tel fait de conscience est produit ou détruit, il n’y aurait pas pour cela plus de raison de confondre la conscience avec un phénomène physique qu’il n’y en a pour identifier une sensation de chaleur avec tel déplacement de masses ou de molécules[2].

Il s’agit donc, ou plutôt il devrait s’agir uniquement, pour les savants, de chercher à déterminer les mouvements correspondants aux qualités sensibles : mais il est tout-à-fait antiscientifique de parler de qualités qui deviennent d’autres qualités et même de mouvements qui deviennent d’autres mouvements, alors qu’ils ne font que se composer, se décomposer, coexister et se succéder. Admettre des propriétés qui changent, des substances qui se métamorphosent, c’est réintroduire les qualités occultes dans la physique, c’est faire de la mythologie. Qu’est-ce, en effet, par exemple, dans le livre des Premiers principes de M. Spencer, « qu’est-ce que l’engendrement d’une émotion par la métamorphose d’une vibration ? Comment savez-vous qu’un mode de mouvement devient un mode de sentir ? Qui vous a dit que le mouvement se dépense pour produire une idée ? Enfin, qu’est-ce qui vous force à abuser ainsi du principe de causalité (pure abstraction, dans l’espèce) pour affirmer l’existence d’une relation que vous déclarez du même coup ne pouvoir comprendre ? Une philosophie comme celle-là se réclame bien vainement de l’expérience et des sciences expérimentales : ses véritables analogies sont dans telle cosmogonie de la haute antiquité : « Du chaos naquirent l’Erèbe et la Nuit ; de lÉrèbe et de la Nuit, l’Éther, l’Amour et l’Entendement. » C’est bien le chaos, en effet, c’est bien l’Érèbe et la nuit qui sont représentés par le sujet primitif et « l’hypothèse nébulaire, » ainsi que M. Spencer l’appelle, c’est-à-dire par la matière composant « le système solaire à l’état diffus. » Le soleil lumineux est bien l’Éther, dont les vibrations engendrent la lumière ; et

  1. Log. gén. II, 301.
  2. Id., id.