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de torysrne violent, fit presque cause commune avec Hobbes et Joseph de Maistre, la gauche fut pour Voltaire. Le duel entre maître Aroüet et monsieur de Maistre, commencé en France, se continuait en Allemagne. Avec plus de fureur, peut-être, et aussi, il faut le dire, avec moins d’esprit. Dans toute cette polémique, une seule intelligence fut vraiment grande : David-Frédéric Strauss. Et, de fait, Strauss ne tenait pour personne : c’était un libre esprit. Pacifique et calme, il n’a pas dépendu de lui que la lutte ne fût aussitôt terminée. Aussi bien, depuis lors, le siècle passé a pu être jugé, sans parti-pris et sans passion ; l’histoire avait commencé. Voltaire, comme Jean-Jacques, comme Hume, au lieu d’être un nom d’école, un signe de ralliement. Voltaire ne fut plus enfin que lui-même. Et il trouva, non plus des fanatiques ou d’irréconciliables ennemis, mais des historiens. Sa vie a été écrite, ses œuvres ont été analysées. Au plus fort de la guerre, Hermann Griram[1], fils et neveu des célèbres Grimm, rendait hommage, dans un de ses « Essays », à ce Français qui, pour Gœthe[2], était comme le représentant privilégié, le type même de la France. Dans une publication commencée depuis deux ans, « Le Nouveau Plutarque[3] », et qui entreprend la biographie des hommes illustres, à partir de la Réforme, une belle place a été faite à Voltaire après Martin Luther et Olivier Cromwell. Mais, parmi les travaux importants et durables consacrés à ce grand nom, il faut citer au premier rang « l’Histoire littéraire du dix-huitième siècle[4] » par Hermann Hettner, et les « Six Conférences[5] » dédiées par Strauss à la princesse Alice. Voltaire restitué à son temps, et expliqué par lui : tel est l’objet de ces deux livres, très-calmes, où il n’y a plus d’autre passion que la recherche de la vérité et de la justesse. Joignez-y la courte et précieuse étude d’Emile du Bois-Reymond[6] sur le savoir de Voltaire en astronomie, en physique, en histoire naturelle ; et encore quelques pages très-fortes d’Albert Lange[7]. Et ce sera presque une révélation d’apprendre quel jugement sympathique l’Allemagne, comme malgré elle peut-être, porte

  1. H. Grimm, Fünfzehn Essays.
  2. Voir le jugement de Gœthe sur Voltaire dans les Conversations avec Eckermann.
  3. Der neu Plutark (Brockhaus. Leipzig.) Dans ce recueil, la Vie de Voltaire a été écrite par Rosenkranz, le biographe de Diderot.
  4. Literaturgeschichte des xviiie Jahrhunderts. Deuxième partie, consacrée au dix-huitième siècle français, 1860.
  5. Les six conférences ont été écrites pour la princesse Alice de Hesse.
  6. Du Bois-Raymond. Voltaire in seiner Beziehung zur Naturwissenschaft. La traduction française a été publiée dans la Revue des cours scientifiques (25 juillet 1868).
  7. Albert Lange. Gesck. des Materialismus, 3e édition, Tome I, p. 301-306.