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correspondance

propre théorie, ferme les yeux devant l’expérience de tous les jours. Que la faim soit un sentiment tout à fait différent de la jouissance produite par une sonate, qu’une bonne odeur diffère du plaisir causé par un bon mot, cela est évident pour tout homme impartial, et aucun raisonnement psychologique ne parviendra à lui prouver le contraire.

Faire des distinctions nettes, c’est une grande et importante qualité du penseur, mais comme toute autre vertu elle peut être poussée à une limite extrême et nuisible ; on peut faire des distinctions trop subtiles. Le sentiment, dit M. Léon Dumont, ne peut produire ni sécrétion, ni contraction musculaire. Sans doute le sentiment, comme abstraction scientifique, n’a pas ce pouvoir. Mais, si nous ne voulons pas nous égarer par des distinctions trop subtiles dans les détours de l’occasionalisme, il faut cependant considérer le phénomène simple comme un tout. Un nerf est excité, et cette excitation se transmet immédiatement à d’autres organes, tels que les glandes, les muscles, les nerfs des vaisseaux. Il n’est pas nécessaire de voir dans l’excitation des nerfs et dans la sensation deux phénomènes différents ; bien plus, c’est un seul et même processus qui apparaît objectivement comme excitation nerveuse (courant ondulatoire négatif) et subjectivement comme sensation. En vérité, une sensation est en premier lieu un sentiment, c’est-à-dire elle est agréable ou désagréable ; et comme je crois l’avoir démontré d’une façon irréfutable, il faut considérer comme une phase bien postérieure celle où la représentation est formée par la sensation et la réaction qui accompagne cette dernière. Au point de vue physiologique, on peut dire avec raison que l’irritabilité nerveuse excite la sécrétion et la contraction musculaire. Mais il doit être permis au psychologue de dire : la sensation, le sentiment produisent l’une et l’autre.

Cependant je conclus ici. La divergence d’opinion entre M. Léon Dumont et moi est trop grande pour pouvoir être exposée complètement dans le cadre d’une courte réplique. Aujourd’hui j’ai voulu seulement protester devant les lecteurs de la Revue contre une critique qui juge à propos de considérer des divergences fondamentales, profondes et mûrement réfléchies comme des confusions de concepts.

Adolphe Horwicz.
Magdebourg, janvier 1877[1].

Monsieur le Directeur,

M. Delbœuf dit, à la fin de son troisième article sur l’Algorithmie de la logique, (Revue Philosophique du 1er décembre 1876, pp. 545-595.)

  1. La réplique qui précède n’a pu, à notre grand regret, être insérée plus tôt. Au moment où nous l’avons reçue, M. Léon Dumont vivait encore et nous gardions l’espoir de pouvoir la lui communiquer. Depuis, M. Horwicz a modifié sur quelques points sa réponse qui ne s’adressait plus qu’à un mort (Note de la Direction).