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inconscient qui la fournira. Fichte a eu tort de croire que le sujet conscient se pose lui-même ; car il serait dans ce cas avant de se poser, et comment pourrait-il être, s’il n’est posé déjà ? Mais il est vrai de dire que le moi, posé antérieurement à la réflexion consciente par l’activité inconscient, se pose lui-même une seconde fois quand il se dédouble en un objet et un sujet, quand il commence à exister pour lui. L’acte primitif duquel dérivent toutes les formes de l’activité psychique, est donc l’acte de conscience ; et cet acte n’est pas une pure abstraction, une virtualité nue ; il est concret et puise le sentiment de sa réalité dans l’opposition même qu’il rencontre au sein du monde extérieur, et grâce à laquelle il se pose comme distinct de lui.

Cela établi ; il semble que l’auteur n’ait plus qu’à opérer la déduction des trois facultés à partir de l’acte primitif de conscience. Nous ne comprenons pas pourquoi il a préféré montrer comment de cet acte se déduisent les catégories et particulièrement celle de la puissance, de la virtualité ou du devenir. Cette partie de son travail est moins claire que la précédente. On se demande en la lisant si c’est vraiment là de la psychologie expérimentale. Et à envisager la méthode suivie dans tout l’article, qu’est-ce donc que ce développement de l’activité psychique que l’on aspire ici à décrire ? Est-ce le développement historique, réel des facultés dans l’individu, à partir de la naissance ? Est-ce le développement de ces mêmes facultés dans la race humaine tout entière ? Il ne semble pas. Dès-lors ce ne peut être qu’un processus logique, une sorte de déduction géométrique, qui ne se passe en aucun temps, qui ne s’observe en aucun lieu, qui se voit dans la conscience ou dans la raison quand on appartient à une certaine école, et que les idées ont pris un certain cours. C’est bien là de la psychologie à priori. Mais, dira-t-on, les mathématiques procèdent ainsi. — Je réponds que les mathématiques ont toujours en effet passé pour des sciences à priori, — Mais les sciences naturelles, la zoologie, par exemple, s’efforcent d’aboutir à une déduction des formes plus complexes à partir des formes les plus simples. Et en général la biologie tend à des théories de la vie qui ne s’appliquent pas à un être plutôt qu’à un autre ; mais sont universelles et en quelque sorte éternelles. — Oui, toute science cherche à embrasser son objet dans une synthèse ainsi étendue que possible ; mais les sciences de la nature ne tentent cette synthèse qu’après avoir parcouru par l’analyse le plus grand nombre des faits sur lesquels elle doit s’occuper. A-t-on fait de même ici ? Où est cette enquête poursuivie à travers les différents âges et les différents pays, qui a enfin permis à des sciences comme la zoologie d’introduire des vues rationnelles dans la masse des observations recueillies ? Cette enquête, la psychologie la commence à peine. Il est donc bien hardi en ce moment de dire : l’activité psychique à sa source ici ou là ; elle débute de telle ou telle façon. Que si on ne veut rien affirmer sur l’origine historique de la conscience, s’il ne s’agit que d’un arrangement possible, vraisemblable, que l’auteur imagine ou conçoit entre les diverses manifesta-