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-dire à trouver une formule pour établir l’équivalence de la surface du cercle et de celle du carré. On s’est livré dès lors à des recherches très-nombreuses pour découvrir cette formule. Or il est démontré que le rapport cherché est tel qu’on peut en approcher indéfiniment sans qu’il soit possible de l’établir d’une manière absolue. L’Académie des sciences a décidé qu’elle ne recevrait plus de mémoires sur ce sujet. Cette décision est parfaitement justifiée ; car s’il est mathématiquement établi que le rapport absolu du cercle et du carré est impossible à formuler, les tentatives faites pour établir cette formule, sont des hypothèses contraires aux lois de la raison, et dès lors impossibles. Autre exemple : L’inertie de la matière étant admise, on démontre, en mécanique rationnelle, que la recherche du mouvement perpétuel est illusoire, c’est-à-dire que l’on ne saurait trouver une machine qui soit un moteur, qui crée une force qui résulterait de son action même[1]. Cela étant admis, la recherche du mouvement perpétuel se meut dans le domaine des suppositions impossibles, parce qu’elles sont irrationnelles.

On peut faire rentrer, à bon droit, dans la catégorie des hypothèses irrationnelles, l’affirmation de l’identité de la pensée et des phénomènes physiologiques. Cette affirmation se produit sous deux formes diverses. On considère la pensée (je prends ici le mot dans son sens le plus général, où il désigne l’ensemble des faits spirituels), comme une matière spéciale ; c’est ce qui résulterait de cette parole connue de Cabanis : « Le cerveau sécrète la pensée », puisque le produit d’une sécrétion est une substance particulière tirée de la masse des fluides nourriciers du corps. Ou bien, on considère la pensée, non pas comme une matière spéciale, mais comme un mouvement spécial de la matière. C’est ainsi que M. Moleschott écrit : « La pensée est un mouvement[2]. » Sous l’une ou l’autre de ces deux formes, nous trouvons affirmée l’identité des phénomènes physiologiques et des phénomènes psychologiques. Comment entreprend-on de démontrer la thèse ? En établissant, ce qui est facile, les rapports continuels et intimes des phénomènes de l’âme avec les phénomènes du corps. Comment peut-on établir ces rapports ? En usant alternativement de deux modes de constatation divers, qui portent sur deux sortes de phénomènes irréductibles. Le rapport ne peut donc être établi, sans qu’on mette en évidence, par le procédé même qui sert à l’établir, la diversité des éléments dont on signale l’harmonie. Lorsqu’on conclut de rapports qui supposent la diversité, à l’identité qui en est la négation, on tombe dans une contradiction logique.

  1. Voir Helmholtz. Mémoire sur la conservation de la force, p. 26.
  2. La circulation de la vie, tome II, page 178.