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biologie à un problème de mécanique. Mais la vitalité et la sensibilité sont des coefficients qui doivent rendre le problème mécanique insoluble, par cette seule raison que les principes mécaniques se rapportent à des relations quantitatives, tandis que les relations vitales sont qualitatives. L’erreur du matérialiste est l’inverse de celle du vitaliste. Le vitaliste croit que les caractères spéciaux des phénomènes organiques prouvent l’existence d’une cause qui n’a rien de commun avec les forces agissant ailleurs. Ainsi il tourne le dos à l’évidence et essaie d’expliquer les phénomènes organiques sans le secours de la physique et de la chimie. Le matérialiste, de son côté, tournant le dos à l’évidence des conditions toutes spéciales qui se manifestent seulement dans les organismes vivants, s’efforce d’expliquer le problème par le seul secours de la physique et de la chimie. Il est certainement impossible de résoudre les problèmes physiologiques et psychologiques si nous négligeons les lois de l’évolution à travers l’épigénèse. Le système mental se développe de même que le système physique. Il est absolument sûr qu’on ne voit pas une évolution semblable dans les corps inorganiques et personne ne supposera qu’elle soit possible dans les machinés. Au point de vue biologique, nous devons donc rejeter à la fois et l’idéalisme et le matérialisme. Nous applaudissons l’un quand il dit : n’embrouillez pas les faits mentaux en y introduisant des hypothèses physiques ; et nous approuvons l’autre quand il dit : n’obscurcissez pas les faits physiques par des brouillards métaphysiques. Nous disons à l’un et à l’autre : en tout cas sachez nettement vous-mêmes à quel aspect des phénomènes vous avez affaire et exprimez chacun d’eux dans les termes qui lui sont propres. Mais en essayant de comprendre un phénomène il faut tenir compte de toutes ses conditions observables. Or, quelquefois on peut seulement approcher ces conditions du côté subjectif, d’autres fois du côté objectif.

S’il est nécessaire de maintenir l’investigation du côté objectif d’un processus dans les limites des conditions objectives et d’exprimer le résultat en termes objectifs, il faut se rappeler que c’est là un artifice ; surtout il ne faut pas oublier que, même dans les limites objectives, nos analyses sont seulement provisoires et doivent finalement être rectifiées par la rentrée de tous les éléments provisoirement écartés. Ainsi rectifiée, l’interprétation objective des phénomènes vitaux et mentaux a l’avantage incomparable de simplifier les recherches en les bornant aux processus physiques, au lieu de les embrouiller par certaines suggestions de processus métaphysiques. Et comme toute recherche physique tend naturellement à se réduire à une recherche mécanique, parce que la mécanique est la science